Ce qui, dans le monde, fait vivre les médias, c'est évidemment la publicité. Or, celle-ci, du fait de la crise économique de ces dernières années, a considérablement baissé, voire disparu. C'est généralement le premier poste budgétaire à être sacrifié par les entreprises en difficulté. Une multitude de supports médiatiques a été contrainte de mettre la clé sous le paillasson. Aux USA et en Europe, des titres prestigieux ont été revendus pour un bout de pain. Si dans ces contrées, beaucoup d'organes d'information arrivent à survivre, c'est en large partie grâce à leurs gouvernements soucieux de préserver ce contre-pouvoir démocratique. L'aide indirecte à la presse est une longue tradition consacrée par les textes fondamentaux. Cette réalité semble échapper totalement aux dirigeants algériens, car s'ils l'étaient, ils n'auraient pas introduit dans la loi de finances complémentaire 2010, un article permettant à l'Etat de faire une ponction d'un pour cent sur les recettes annuelles de publicité. A feuilleter aujourd'hui les journaux algériens, on tombe vite sur la triste réalité de leurs revenus publicitaires émanant essentiellement de l'agence gouvernementale ANEP. Et seuls s'en sortent quelque peu une poignée de titres qui, par leur audience, ont pu capter les annonces des entreprises privées. Mais même ces journaux vivent la crise du fait de la déprime affectant toute la sphère économique algérienne, spécialement les deux secteurs les plus pourvoyeurs en recettes, l'automobile et la téléphonie mobile. Ainsi donc, au lieu de se pencher sur un plan de sauvegarde de la presse, un des meilleurs acquis de l'ouverture politique amorcée en 1990, le gouvernement n'a pu trouver mieux que de l'enfoncer. De surcroît, les recettes dérisoires qu'il va récolter ne seront d'aucun secours au secteur auquel elles sont destinées : l'industrie cinématographique qui est tellement sinistrée qu'il demande un effort considérable des pouvoirs publics, tant financier qu'organisationnel, en amont et en aval. Et puis, c'est quoi le cinéma en Algérie aujourd'hui où pratiquement toutes les salles de projection ont disparu, les professionnels marginalisés ou exilés et les producteurs et supports inexistants, notamment les télévisions ? C'est à travers la seule loupe de la ponction fiscale que l'Etat aborde ces deux secteurs extrêmement sensibles que sont la presse et le cinéma, alors qu'il aurait fallu l'élaboration d'une stratégie de relance d'envergure associant les pouvoirs publics et les professionnels. Fruit d'un débat le plus large possible, cette stratégie permettrait enfin à la presse écrite indépendante, qui a vingt ans, de passer véritablement à l'âge adulte, au cinéma de sortir du bricolage, et pouquoi pas à l'audiovisuel unique de laisser la place à l'audiovisuel pluraliste.