Intervenant dans un contexte marqué par une nouvelle flambée des cours du blé sur le marché international (une tonne de blé passe de 170 à près de 300 dollars en quelques semaines), l'ouverture officielle de la campagne céréalière, jeudi dernier à Sétif, a été une occasion pour le ministre de l'Agriculture et du Développement, Rachid Benaïssa, de révéler ce qui s'apparente à une nouvelle démarche dans la conduite de la politique agricole. De notre envoyé à Sétif Deux éléments distincts caractérisent ainsi le nouveau plan d'action dans le secteur agricole : d'une part, la redéfinition de nouveaux paramètres pour le système des subventions et, d'autre part, il y a lieu de relever ce changement du ton dans le discours du premier responsable du secteur et qui marque cette volonté d'orienter les agriculteurs vers la compétitivité et l'excellence. Concernant les subventions, l'option choisie est celle de concentrer les efforts d'accompagnement sur les exploitants agricoles qui relèveront le défi de la productivité et l'augmentation du rendement. «L'ère de défaitisme est révolue. Il n'est plus question de sous-estimer l'activité agricole. Désormais, nous travaillerons avec les exploitants qui relèveront le défi en termes d'amélioration des rendements et qui contribueront au renforcement de la sécurité alimentaire du pays», dira en substance le ministre. Cette nouvelle approche se traduira par la compensation de la performance dans le secteur avec la création de «clubs des 50» qui regrouperont les 50 premiers exploitants qui ont réussi à intensifier leurs rendements. Pour les céréales, le club regroupera les producteurs qui dépasseront le seuil des 50 quintaux à l'hectare. Les producteurs de pomme de terre et de tomate industrielle qui gagneront le pari du rendement, eux aussi, auront leurs clubs respectifs, cependant, le club des producteurs de lait regroupera les éleveurs qui dépasseront le cap des 5 000 litre/vache/an, soit une production moyenne journalière de près de 14 litres de lait par vache. L'opération a déjà commencé pour les céréaliculteurs, selon Rachid Benaïssa, qui révèlera que 17 producteurs ont été recensés à l'ouest du pays. Une fois identifiés et intégrés dans leurs clubs respectifs, ces 50 agriculteurs joueront le rôle de pôles d'excellence dans leurs filières respectives et bénéficieront d'un accompagnement permanent des pouvoirs publics dans leur stratégie de développement et d'amélioration de la production. Ces derniers seront également privilégiés en matière d'appui technique et financier. La concertation sur les instruments de mise en œuvre de cette nouvelle approche est d'ores et déjà ouverte au niveau ministériel. Les transformateurs mis en cause Le second point qui a marqué l'ouverture de cette nouvelle saison agricole 2010/2011 est ce regard «critique» que le ministre a adopté envers les acteurs du secteur, à commencer par la chaîne industrielle comprenant les transformateurs. Que ce soit dans l'industrie laitière ou céréalière, Rachid Benaïssa conteste ouvertement aux laiteries et les minoteries le recours aux méthodes plus faciles à travers l'importation au détriment de la production locale. «Dorénavant, nos soutiens iront aux transformateurs qui contribueront au développement de l'agriculture et non pas aux transformateurs tchitchi», a déclaré le ministre. Au niveau de ce département ministériel, il n'est pas exclu que cette volonté se traduit par l'obligation des producteurs de lait et produits laitiers à augmenter le taux d'intégration du lait cru local dans le processus de production, faute de quoi les subventions dont ils bénéficient actuellement seront incertaines. Les critiques de Benaïssa ont été également adressées au service de la formation et de la vulgarisation de son secteur dont le bilan fait état de 20 000 agriculteurs seulement, sur un total de 3 millions, qui ont bénéficié de stages de formation durant l'année, une proportion qui est très en deçà des attentes, a reconnu le ministre.Autant d'ingrédients qui confirment ainsi la volonté du ministère de tutelle à revoir sa stratégie dans la gestion du secteur. Une nouvelle politique agricole basée sur la compétitivité sera-t-elle réellement concrétisée ? En tout cas, à défaut d'une alternative, le secteur risque de rater à nouveau son rendez-vous avec la modernisation et un nouvel échec semblable à celui du PNDA ne sera pas empêché. Sans l'esprit de compétence et sans la performance, les 1000 milliards de dinars annoncés pour le secteur dans le plan quinquennal 2010-2014 risqueront d'être engloutis sans résultat.