L'histoire de la colonisation française de l'Algérie n'a toujours pas livré tous ses secrets. Au fil des ans et des débats, des langues se délient et des vérités éclatent. Vendredi, aux Débats d'El Watan, Abdelhamid Mehri, un des acteurs de la Révolution, a apporté son témoignage et son regard sur la guerre de Libération nationale. L'ancien secrétaire général du FLN est revenu sur l'essence de la Déclaration du 1er Novembre qui, à ses yeux, n'a pas été respectée par les dirigeants de la Révolution. Il souligne ainsi que l'appel à la lutte armée était destiné à l'ensemble des Algériens. «Curieusement, les dirigeants de la Révolution ont vite oublié qu'ils ont appelé à un front de tous les Algériens contre la colonisation», relève-t-il. Pour lui, cet éloignement du principe de base du déclenchement de la guerre de Libération, en tournant le dos au peuple, était en partie dû à l'influence des chefs historiques par le modèle tunisien incarné par Bourguiba et celui de Mohammed V, roi du Maroc, qui cherchaient à s'imposer comme interlocuteurs incontournables avec lesquels la France coloniale devait négocier. Ayant constaté ce changement dans le cours de la Révolution, Abane Ramdane avait tenté, expliqua Mehri, de recoller les morceaux, de rassembler toutes les forces et de relancer la guerre de Libération sur la base de la Déclaration du 1er Novembre. «Abane Ramdane a bien compris l'esprit du 1er Novembre et essayé de redresser la situation en organisant le Congrès de la Soummam du 20 août 1956, dont les résolutions traduisaient le message de Novembre», a-t-il relevé, regrettant que la Charte de la Soummam n'ait jamais été appliquée. M. Mehri a mis en exergue le rôle de rassembleur qu'a tenté de jouer Abane Ramdane. Ce qui n'aurait pas été du goût de tous les dirigeants de la Révolution, dont certains avaient même dénoncé le Congrès de la Soummam. Après l'assassinat de Abane Ramdane, la stratégie de l'exclusion a bien continué, a indiqué M. Mehri. Une pratique ancrée dans les mœurs de l'Algérie indépendante. Autre sujet évoqué par M. Mehri : la fameuse Charte de Tripoli. Selon lui, le conflit entre l'état-major et le gouvernement provisoire (GPRA) a éclaté bien avant cette réunion.Il portait sur la question d'«aller ou de ne pas aller négocier» avec la France. Le Conseil national de la Révolution (CNRA) s'est réuni à Tripoli pour tenter de résoudre ce problème. Mehri a précisé que la Charte de Tripoli est une appellation par défaut. Au départ, c'était «le projet provisoire du programme du FLN». Mais, d'après lui, le bureau de Tlemcen a remplacé cet intitulé par Charte de Tripoli. Revenant sur l'intitulé de la conférence-débat à savoir «Penser l'histoire de l'Algérie», Abdelhamid Mehri a considéré le manque d'informations sur les événements qui ont marqué la Révolution comme une contrainte qu'il faut lever pour pouvoir penser l'histoire de l'Algérie. Tout au long des débats, plusieurs autres questions ont été soulevées par l'assistance nombreuse. Parmi les intervenants, Mme Hamache, ingénieur en bâtiment, a posé le problème l'embrouille autour de l'histoire et l'absence de lectures claires et fiables des événements historiques. Un autre intervenant a souligné la nécessité de «repenser» l'histoire et de la réécrire de manière objective et juste. La longueur des interventions a privé beaucoup de participants de poser leurs questions.