Au centre-ville de Skikda on ne circule plus, on s'engouffre. On titube entre des trottoirs étroits et des chaussées déformées, sous-dimensionnées et qui n'arrivent plus à assurer leurs fonctionnalités. Aujourd'hui déjà, la ville étouffe et demain ce sera pire. Imaginez une ville sous forme d'entonnoir où vivent 180 000 habitants et circulent plus de 70 000 véhicules. Imaginez une ville qui dispose d'une seule et unique artère qui collecte tout le flux pour desservir son centre, son port, ses plages, ses équipements collectifs... C'est à donner le tournis et engendrer les plus inimaginables des confusions. Et c'est peu dire. La circulation dans la ville de Skikda souffre, comme beaucoup d'autres maux encore, de l'absence de toute projection d'aménagement et d'une vision globale d'extension en dehors de l'espace actuel : on a agi comme si Skikda devait éternellement se limiter à ses « arcades » et aujourd'hui, ce sont ses habitants qui en payent les conséquences. Le trafic intense est en partie causé par la propre configuration de la ville, mais en partie seulement, car dans la réalité, la circulation à Skikda, comme beaucoup d'autres maux, souffre surtout de l'inertie, de « l'affairisme » et de l'incompétence flagrante de tous ceux qui ont eu à gérer la cité. Le phénomène d'étranglement total de la circulation était prévisible. Il a même été encouragé par l'absence totale de toute nouvelle vision d'expansion et d'extension en dehors de l'espace actuel. On a même poussé l'irresponsabilité jusqu'à densifier l'ensemble des équipements collectifs (plus de 40 institutions) et « bétonné » toutes les poches qui se libéraient. Au moment où la ville vivait, à partir des années 1970, une fulgurante expansion socioéconomique, son tissu urbain ne changera pas d'un iota. Pis, l'évolution démographique et l'accroissement de son parc auto constituent, essentiellement, les deux facteurs aggravants d'une situation presque désespérée. En 1966, la population locale n'excédait pas encore les 60 000 habitants. En 1977, le bouleversement démographique engendré par l'implantation du pôle hydrocarbure allait porter la population locale à plus de 100 000 habitants pour aboutir au début des années 1980 à un important accroissement du rythme d'agglomération et d'urbanisation. Cet accroissement s'est fait quasiment sur le tas en venant étouffer une ville dont la configuration spatiale ne permettait pas de tels flux. Idem pour le parc automobile qui vivra une véritable envolée en passant de 36 000 véhicules tous types confondus enregistrés au début des années 1990 à plus 62 000 véhicules en 2002. Aujourd'hui, avec les facilités octroyées dans le secteur et en l'absence de statistiques fiables, on admet que le nombre de véhicules pour la seule ville de Skikda risquerait de dépasser les 65 000 unités. Sous d'autres cieux, cette croissance représenterait un avantage, mais pour Skikda elle constitue un grand inconvénient. Pourquoi ? Parce que la ville de Skikda est certainement l'une des seules grandes villes algériennes à avoir raté son aménagement. Entre Skikda des années 1970 et celle d'aujourd'hui, on ne risque aucun dépaysement. C'est pratiquement la même ville, les mêmes ruelles, les mêmes infrastructures avec cependant une nette impression de gâchis. La meilleure ville au monde ne peut offrir que ce qu'elle englobe, et Skikda ne possède que ses « ruines » et quelques « nostalgies ». Sans plus. Dire que c'est l'une des villes les plus nanties du pays, et si on parvient à dresser une comptabilité des masses colossales de l'argent public dépensé dans les réfections des trottoirs et autres gaspillages durant ces quarante dernières années, on aura de quoi construire toute une nouvelle ville. On aura aussi à relever qu'aucun aménagement digne de ce nom n'a été apporté et quiconque revient à Skikda après une absence de plus de 20 ans ne risque aucunement de se perdre ou d'en être agréablement surpris par un quelconque développement. Il aura juste à remarquer l'implantation d'un ensemble de cités dortoirs aussi hideuses les unes que les autres, la prolifération de la poussière et une imposante chape de smog qui couvre la ville. Cette réalité est nettement palpable le long de l'avenue Didouche Mourad. La seule artère qui sert de passage obligatoire à tout le trafic et où sur plus de 700 m, les tuyaux d'échappement des centaines de véhicules qui tentent de l'arpenter engendrent une pollution qui risquerait d'être aussi importante que celle de toute la plate-forme pétrochimique.