Les Egyptiens ont voté hier pour le second tour d'élections législatives à l'issue desquelles le parti au pouvoir est assuré de régner sans partage sur le Parlement, face à une opposition qui a boycotté le scrutin en dénonçant des fraudes. Les bureaux de vote ont fermé à 19h locales (17h GMT). Les résultats sont attendus d'ici mercredi. Les Frères musulmans, principale force d'opposition du pays, et le Wafd, premier parti libéral de l'opposition laïque, se sont retirés de la course en dénonçant un premier tour marqué par des bourrages d'urnes, des achats de voix et des violences, ce que dément le pouvoir. Le Parti national démocrate (PND) du président Hosni Moubarak s'est retrouvé de fait seul face à de petites formations et des indépendants pour 283 sièges en jeu au second tour sur 508 au total en lice. Les candidats du PND en ont déjà raflé 209, soit près de 95% des sièges pourvus au premier tour, alors que les Frères musulmans, qui contrôlaient un cinquième de l'Assemblée sortante, n'en ont remporté aucun. Le Wafd avait obtenu deux sièges, mais ne pouvait espérer plus d'une poignée d'élus en tout. «Le PND est assuré d'une majorité de 97% dans le prochain Parlement», selon Al Ahram online, la version internet du quotidien gouvernemental. Officiellement, la participation était de 35% au premier tour. Des observateurs égyptiens indépendants l'ont toutefois estimée à seulement 15%. L'opposition et le parti au pouvoir se sont livré une vive bataille verbale pour établir la responsabilité d'une situation qui donne à l'élection, même si la victoire du PND ne faisait dès le départ aucun doute, une allure de régime à parti unique. Les Frères musulmans, officiellement interdits mais tolérés dans les faits, ont dénoncé un «trucage» massif du scrutin, accompagné de centaines d'arrestations dans leurs rangs. Certains membres du Wafd, parti légal jusqu'à présent jugé plutôt bienveillant envers le pouvoir, ont fait état de «pressions terribles» pour les empêcher de boycotter les urnes. De nombreuses irrégularités au profit du PND ont été rapportées lors du premier tour par des observateurs égyptiens indépendants ainsi que dans la presse. Washington a aussi exprimé son inquiétude. Le PND a fustigé les «perdants» du premier tour, accusés d'avoir été victimes de leur propre «faiblesse» et non d'irrégularités dont le régime assure qu'elles n'ont porté que sur 1% environ des votes et n'affectaient pas la validité du scrutin. Cité par Al Ahram, le Premier ministre, Ahmad Nazif, a toutefois affirmé qu'il aurait préféré que certains — allusion au Wafd — ne se retirent pas au second tour «afin que nous représentions tous notre peuple et notre pays». Ce scrutin s'est tenu à un an de l'élection présidentielle, dans un climat d'incertitude sur la succession possible de M. Moubarak, 82 ans dont 29 au pouvoir, qui a été opéré de la vésicule biliaire et d'un polype du duodénum en mars. Le raïs n'a toujours pas fait savoir s'il se présenterait, mais son entourage assure qu'il pourrait effectuer un nouveau mandat. Son fils Gamal a affirmé qu'il n'avait pas d'ambition personnelle, mais son nom reste dans tous les esprits pour succéder à son père. Le centre de recherche américain Carnegie a jugé que l'hégémonie parlementaire du PND allait encore renforcer la toute-puissance de l'Exécutif et ne ferait «qu'aggraver les problèmes actuels de la politique égyptienne». Pour Amr Chobaki, du centre Al Ahram d'études politiques, «ce qui se passe ne renforce pas le régime mais l'affaiblit» car cela pousse l'opposition «en dehors du cadre légal».