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«Nous n'avons pas demandé l'avis de Bouteflika»
Mohamed Seghir Kara. Porte-parole du Mouvement de redressement et de l'authenticité du FLN
Publié dans El Watan le 17 - 12 - 2010

«Les jours de Belkhadem sont comptés», nous lancent d'emblée les animateurs du Mouvement de redressement et de l'authenticité dans une villa en travaux à Draria (Alger), le QG des dissidents du FLN. Alors qu'une réunion - qui s'annonce houleuse - du comité central du FLN se tiendra ce week-end, suivie par une rencontre au sommet de l'alliance présidentielle, le porte-parole des dissidents jure d'avoir la tête de Belkhadem…
-Un mouvement de dissidence, une action de redressement… Quelle est la nature exacte de votre démarche ?
Il s'agit d'une dissidence qui a pour but de remettre sur les rails le train FLN. Le Mouvement de redressement et de l'authenticité a constaté que le secrétaire général actuel, Abdelaziz Belkhadem, a dévié des principes et des idées de notre parti et tente, depuis quelque temps, de donner au FLN de nouvelles visions et une idéologie importée de l'extérieur. Il a commencé par adopter un slogan venu du Soudan lors du 9e Congrès pour, ensuite, restructurer l'organigramme du parti calqué sur celui du parti au pouvoir en Egypte. Nous n'avons aucun problème avec ces deux pays.
Cela renseigne sur la doctrine que Belkhadem veut imprégner au FLN et le programme politique qu'il veut nous imposer. Comme si le FLN n'avait pas d'idéologie propre à lui et n'a pas un programme qu'il défend. Nous avons l'impression que Belkhadem ne connaît pas les lois organiques régissant notre parti et qu'il ne les a jamais lues. La preuve, depuis son installation à la tête du parti, il ne cesse de multiplier les dérives, à commencer par les désignations des membres du comité central et des secrétaires des mouhafadate, alors que le code du FLN est clair là-dessus : tout se fait par les urnes. Plus grave, Belkhadem a créé récemment une commission pour les «affaires» regroupant des affairistes et commerçants peu scrupuleux.
-Vous dites que Belkhadem tente de donner une orientation idéologique «nouvelle» au FLN. Quelle est cette idéologie ?
Le pouvoir de l'argent. Vous n'avez qu'à voir les dépenses actuelles du FLN pour tout comprendre. L'actuel SG s'est entouré de fraudeurs, de commerçants qui traînent des milliards d'impayés aux impôts, des repris de justice et autres délinquants financiers. Il a fait en sorte d'écarter tous les vrais militants du FLN et de les remplacer, sans passer bien évidemment par le vote. Ce qui est à notre sens une grave dérive qu'il faudrait corriger avant qu'ils ne soit trop tard.
-Vous insinuez que le FLN est devenu une passerelle par laquelle des «affairistes» accèdent au Sénat et à l'APN…
A l'heure où nous parlons de la lutte contre la corruption, Belkhadem trouve le moyen d'ouvrir grand les portes aux affairistes. Selon nos informations, la plupart des mouhafedhs nommés par Belkhadem ne répondent pas aux paramètres d'éligibilité. La plupart traînent des casseroles à la justice et ont réalisé des bénéfices estimés à des milliards de dinars au détriment du Trésor public.
-Pourquoi Abdelaziz Belkhadem agit ainsi ?
Selon nos informations, les listes électorales pour les législatives ont déjà été établies dans certaines régions et les têtes de liste déjà désignées. Belkhadem, à travers le dernier renouvellement des instances entachées de beaucoup d'irrégularités, prépare la présidentielle de 2014, les législatives de 2012 n'étant que l'étape avant cette échéance. Il n'a jamais caché son souhait de devenir président de la République si le président Abdelaziz Bouteflika ne se présente pas en 2014. Pour ce faire, il n'y a pas mieux que de s'entourer d'affairistes capables de lui réunir tout le soutien nécessaire lors du scrutin. Ces gens-là peuvent acheter les consciences et les voix.
-Donc, votre objectif principal est de couper l'herbe sous le pied de Belkhadem...
Notre objectif principal est de révoquer Abdelaziz Belkhadem du FLN, et croyez-moi, il tombera bientôt. Le FLN ne peut plus accepter les dérives de l'actuel secrétaire général et son entourage.
-Le ministère de l'Intérieur a-t-il agréé le dernier congrès du FLN ainsi que la composante de son comité
central ?
Non. A notre connaissance, le ministère de l'Intérieur ne donnera pas l'agrément à la composition actuelle du comité central. Car après étude des dossiers, il s'est avéré que des membres désignés par Belkhadem ne répondent pas aux critères des textes du parti, d'autant que le ministère de l'Intérieur évoque des réticences, après enquêtes, concernant certaines personnes au casier judiciaire «sale», des repris de justice et d'autres poursuivis pour dilapidation de deniers publics et fuite fiscale.
-Mais pourquoi avez-vous décidé d'agir maintenant ?
En 2005, Belkhadem était pour nous un profil idéal pour diriger le FLN. Nous avons cru qu'il était ce fédérateur tant recherché après la crise qui a secoué le FLN. Benflis avait lui aussi à l'époque commis beaucoup d'erreurs. Mais cette fois-ci, la donne est tout autre : Belkhadem a dépassé les limites du raisonnable. Nous n'avons jamais pensé que Belkhadem était capable du pire et qu'il allait causer du tort au Front. Il a touché aux fondements même du FLN, à son essence. Ce sont les militants de base qui nous ont sollicités pour agir. Nous l'avons nommé à la tête du parti, et c'est nous-mêmes qui allons le déchoir de son poste.
-Comment atteindre votre objectif ?
Nous avons travaillé en collaboration avec la base militante pour réunir, à travers tout le territoire, les preuves accusant Belkhadem et son entourage «désigné». Nous les avons réunis. Nous avons reçu l'adhésion de plus de 90% des kasmates et des mouhafadate des 48 wilayas. Les sénateurs FLN se préparent à signer une déclaration de soutien à notre mouvement qui sera rendue publique dans la semaine. Nous travaillons aussi à convaincre les députés et des membres hésitants des hautes instances du parti. Si Belkhadem ne démissionne pas, nous allons entreprendre une action en justice. La même justice qui nous a donné raison la dernière fois (en 2005) le fera cette fois ci.
-Votre mouvement est accusé de s'être mêlé à un jeu de pouvoir et que vous roulez pour un clan donné…
(Rires). Effectivement, cette question nous a été posée par plusieurs personnalités. Je peux vous assurer qu'il ne s'agit que d'un mouvement interne qui ne concerne que le FLN, loin des luttes que vous évoquez. Nous avons reçu le soutien de beaucoup de formations politiques, de hauts responsables de l'Etat et de personnalités publiques. Un FLN faible mènerait à une instabilité politique au relent national.
-Que pense de votre initiative le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui n'est autre que le président d'honneur du FLN ?
Nous n'avons pas cherché à connaître son avis ni d'ailleurs tenté de connaître sa position vis-à-vis de ce qui se passe au sein du FLN. Je pense que le président de la République est plus occupé par la gestion des affaires de l'Etat que de s'immiscer dans les affaires internes du FLN.


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