Quel avenir pour la presse après les révélations de WikiLeaks ? C'est la question qui divise désormais les professionnels du journalisme à travers le monde. Ces derniers s'interrogent plus que jamais sur les valeurs qui régiront à l'avenir les rapports des journaux avec leurs lecteurs. Pour certains, WikiLeaks a imposé une «dictature de la transparence», pour reprendre le concept du quotidien français, Libération, nuisible à la réflexion et à la perception de l'actualité. Pour d'autres, WikiLeaks a permis, au contraire, de réhabiliter le journalisme d'expertise, croit savoir un universitaire français dans le quotidien Le Monde. Mais entre cette thèse et son antithèse, tout un fossé se dessine. Et pour cause, pour les rédactions les plus hostiles à WikiLeaks, à l'instar du Figaro et de Libération, la bande de Julian Assange «vole et publie». «WikiLeaks ne trie pas et déverse tout en vrac. Or, l'une des fonctions essentielles du journalisme, c'est le tri, l'analyse et la mise en perspective», analyse ainsi le journaliste français Jean Michel Aphatie. Mais cette lecture, Patrice Flichy, professeur à l'université Paris-Est, ne la partage pas. «WikiLeaks fonctionne comme un acteur quasi professionnel qui vérifie et sélectionne les informations brutes qu'il souhaite mettre en ligne ; il fait également preuve d'une grande maîtrise informatique par sa capacité à protéger ses informations sur des sites ad hoc», souligne Patrice Flichy dans les colonnes du Monde qui précise ensuite que «seuls des grands journaux de référence, comme The New York Times ou Le Monde, avaient les compétences nécessaires pour exploiter ces montagnes de documents». Ainsi, WikiLeaks aurait «établi une passerelle entre le producteur et le lecteur d'informations», relève encore Patrice Flichy. Toutefois, cette lecture suscite également la polémique, car il semble difficile aujourd'hui pour de nombreux journalistes d'accepter l'irruption de «ce nouveau fournisseur de matière première» dont on ne sait toujours pas comment elle a abouti sur la place publique. Quoi qu'il en soit, dans ce débat passionné qui oppose plusieurs voix discordantes, un consensus se dégage : WikiLeaks a remis au jour l'importance du recoupement, de la vérification et du traitement des informations distillées par ces documents classés secrets ou confidentiels.