L'écrivain et dramaturge Slimane Benaïssa a animé, hier, au centre de presse d'El Moudjahid, une conférence-débat sur le thème « Itinéraire d'un intellectuel algérien exilé et positions face à la pression des événements et des questions de l'heure vécues en exil ». C'est devant un public constitué d'artistes, D'universitaires et d'anonymes que Slimane Benaïssa a préféré aborder son parcours artistique avant de parler de la période française de son existence. D'une voix émue, il rappellera à l'assistance qu'il est né à Guelma où il a grandi entre la médersa et l'école. Alex et Bernard, deux Français de la ville, étaient ses copains de jeu, et tous deux appartenaient à deux religions différentes, à savoir le christianisme et le judaïsme. Ces trois copains, unis par les trois religions monothéistes, passeront des moments de grande complicité comme le font si bien des adolescents. Après des études techniques à Annaba, Slimane Benaïssa décroche une licence en mathématiques. Le service national accompli à Cherchell, il décide de continuer d'écrire et de faire du théâtre. En 1967, il créé Boualem Zid el goudem qui avait connu, à son époque, un grand succès et traversera les âges. En 1978, il crée le groupe Aminés et met en scène Babour ghraq, soit un autre succès puisque la pièce sera jouée plus de 500 fois pendant 6 ans avec toujours le même engouement et surtout la même passion. Par la suite, en compagnie de Dalila Helilou et Fadhila Ousliha, il crée Rak khouya ou Ana Chkoune. En 1993, Slimane Benaïssa prend l'avion pour une résidence d'écriture en France. Il ne reviendra au pays que dix ans plus tard. L'expérience, dit-il, acquise en Algérie, « m'a incité à mettre à l'épreuve mes capacités en dehors de mon cadre habituel. Il était évident que je devais me confondre et revenir avec une expérience ». Dès son arrivée, plusieurs questions lui traversaient l'esprit. Quel théâtre pouvait le satisfaire ? Comment se convertir sans se travestir ? En une seule question, comment réussir ? Il fallait se reconstruire et faire exister l'homme de théâtre qu'il était. Le théâtre, dit-il, était alors un espace de résistance. Cette plongée s'est faite grâce à l'histoire commune de la France et de l'Algérie. Dès lors, il fallait convoquer l'histoire du théâtre. « Un voyage initiatique était nécessaire pour se refaire. » Ecrire, était pour l'écrivain une façon de se libérer de cet inconnu. Ce n'est que deux ans après son arrivée sur cette terre d'exil qu'il a pu retrouver les réflexes de l'écriture. « Je me définis comme un prix culturel. Ma parole en est la synthèse alors que mon langage demeure mon alibi. J'ai compris que c'est en apprivoisant l'exil qu'on retrouve sa liberté », explique-t-il. Pour Slimane Benaïssa, le problème, ce n'est pas d'être exilé, c'est ce qu'on fait de son exil qui est plus important. « L'exil est une école des dépassements de soi. On sort de l'exil patriotique pour entrer dans un exil aérien. » Avec l'avènement du terrorisme en Algérie, les médias européens ont travesti les événements. A travers sa trilogie, histoire, mémoire et religion, Slimane Benaïssa s'est servi de ce triptyque pour tenter d'apporter une nouvelle image de l'Algérie et surtout des trois religions monothéistes. Il est à noter, par ailleurs, que Slimane Benaïssa recevra, mardi prochain, à la Sorbonne le prix dénommé Docteur aux Arts. Une distinction de plus à un talentueux homme de culture.