Pour permettre aux vieux migrants de 65 ans et plus, allocataires de l'ASPA, de se réinsérer durablement dans leur pays d'origine, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, fait voter, en mars 2007, dans le cadre de la loi Dalo, deux articles (57 et 58). Cette aide à la réinsertion des anciens migrants intéressait 37 143 personnes, sur lesquelles une vingtaine de milliers de nationalité algérienne. Pour permettre aux vieux migrants de 65 ans et plus, allocataires de l'ASPA, de se réinsérer durablement dans leur pays d'origine, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, fait voter, en mars 2007, dans le cadre de la loi Dalo, deux articles (57 et 58). Cette aide à la réinsertion des anciens migrants intéressait 37 143 personnes, sur lesquelles une vingtaine de milliers de nationalité algérienne. Ce dispositif comportait deux articles : le premier créait une «allocation de réinsertion familiale et sociale des anciens migrants», «ouverte aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou faisant partie à l'accord sur l'Espace économique européen» de plus de 65 ans, en situation régulière, vivant seul, résidant depuis plus de 15 ans de façon ininterrompue en France. Le montant de cette allocation devait être calculé en fonction des ressources du demandeur, mais ne devait en aucun cas être inférieur au minimum vieillesse. La loi prévoyait que les anciens migrants pourraient rentrer au pays d'origine de manière définitive s'ils le souhaitaient. La «réversibilité» était même prévue. En effet, les «chibanis» pouvaient changer d'avis, retourner en France et abandonner les allers-retours, puisqu'ils conservaient leur carte de résident. Le second article concernait l'accès aux soins. Les vieux migrants pouvaient rester couverts par le régime général de sécurité sociale. Mais cette loi n'a pas été appliquée, et, à ce jour, elle reste lettre morte pour non-conventionalité. «On n'a pas abandonné l'objectif de la loi. On cherche des solutions qui permettraient de répondre à la demande qui était légitime, c'est-à-dire une aide à ces vieux travailleurs migrants qui avaient apporté leur contribution à la construction de la France et qu'on ne peut pas laisser dans la précarité, mais sans prendre le risque de possibilités d'extension», nous avait-on affirmé au ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale et du Co-développement quelques semaines avant le remaniement ministériel qui a entraîné sa disparition en tant que tel et son adjonction au ministère de l'Intérieur. L'argument du droit européen Comme solution palliative, les pouvoirs publics ont, par voie de circulaire, étendu la durée maximum de séjour hors du territoire français d'une personne percevant l'ASPA de 3 mois précédemment à six mois moins un jour actuellement. «On a de fait apporté une réponse à la question de la navette», a-t-on ajouté. Et de laisser entrevoir la possibilité d'un règlement dans un cadre bilatéral. «La volonté politique française était claire sur ce sujet», mais «nous avons buté assez vite sur une difficulté technique parce que la nature même de cette allocation» induite par la loi de mars 2007 «pouvait difficilement être distinguée des autres types d'allocations qui sont versées en France et en Europe ; ce n'est pas un droit acquis par rapport à un travail effectué, c'est une allocation volontaire du pays, c'est-à-dire la France». Et «c'est le Conseil d'Etat qui a attiré notre attention sur l'extrême difficulté juridique d'application des articles 57 et 58…» «L'APL n'est accordée qu'à condition que la personne qui la perçoit vive au moins 8 mois sur 12 dans son logement. Le deuxième sujet est relatif au minimum vieillesse. La perception d'une retraite inférieure à 700 euros par mois est complétée par une allocation dite Allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA) pour atteindre ce seuil minimal de 700 euros. Ces allocations non contributives sont accordées à condition que les bénéficiaires soient en France. Jusqu'à l'année dernière, l'ASPA était liée au fait que la personne bénéficiaire vive en France au moins 9 mois par an. Ce n'est pas une règle discriminatoire à l'égard des étrangers, c'est une règle générale. Ces allocations sont non exportables.» Il nous a également été signalé que le Conseil d'Etat a signalé que le droit européen fait que si une aide de ce genre est créée et qu'elle est liée à une condition de résidence sur le sol d'un des pays membres de l'UE, il peut y être satisfait par la résidence sur le sol de n'importe quel pays membre. Il y a aussi cette idée qu'à la suite de contentieux individuels, d'autres populations pourraient demander des droits analogues en se fondant sur le principe de l'égalité. Arguments que rejette Rachid Bouzidi qui, au cabinet de Jean-Louis Borloo, a œuvré de près sur ce dispositif d'aide de réinsertion des vieux migrants. Un dispositif «gagnant-gagnant» «Lorsqu'on a monté le dispositif, on savait qu'il y avait deux obstacles de taille : d'une part, il fallait faire en sorte que cette allocation ne soit pas requalifiée en prestation de sécurité sociale. Et, d'autre part, comme ce dispositif s'adressait à une population ciblée, chiffrée et isolée, il fallait faire attention à ne pas aller vers ce qu'on appelle en droit constitutionnel, une rupture du principe d'équité. C'est ce que nous avait dit le Conseil d'Etat lorsqu'on était en phase de réflexion sur le dispositif. Une fois que le dispositif a été finalisé, on l'a soumis en tant que projet au Conseil d'Etat qui nous a rendu un avis écrit selon lequel il n'y avait aucun risque de requalification en prestation de sécurité sociale par la Cour de justice européenne. Cet avis mentionne que le dispositif peut être mis en place sans crainte. Et c'est d'ailleurs à ce moment-là que Jean-Louis Borloo l'a présenté en Conseil des ministres. Il ne l'aurait pas fait sans un avis favorable du Conseil d'Etat», nous affirme Rachid Bouzidi. Et de signaler que la loi est passée avec un vote à l'unanimité tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. «Nous avons ensuite élaboré un projet de décret qui a été arbitré par les services du Premier ministre. En outre, lorsque ce décret a été arbitré, le conseiller juridique du ministre de l'Intérieur, aujourd'hui président de la République, a insisté pour que le ministre en soit co-signataire. Le conseiller juridique du ministre de l'Intérieur, si je ne me trompe pas, est lui-même conseiller d'Etat.» Selon notre interlocuteur, ce dispositif était «gagnant-gagnant» pour le migrant, mais surtout pour la France. «Rentré dans son pays d'origine, ce vieux migrant aurait perçu cette allocation de réinsertion d'un montant approximatif de 250 euros par mois ; par contre, il n'aurait plus perçu d'aide au logement, puisque ne résidant plus en France. L'Etat français aurait fait aussi l'économie de prestations de santé. Un autre aspect où l'Etat français aurait été gagnant, c'est la récupération des logements qui auraient été libérés par ces ‘‘chibanis'' ». Rachid Bouzidi estime que si cette loi n'a pas été appliquée, c'est parce que «vis-à-vis d'un certain électorat, il n'aurait pas été de bon ton de dire que 40 000 étrangers de nationalités extra-européennes vont rentrer chez eux et vont continuer à percevoir une allocation payée par la France». Il maintient que «ce dispositif voté par les représentants du peuple français est la solution la plus équitable, voire la plus rentable financièrement pour l'Etat français à l'égard de ces vieux migrants de plus de 65 ans vivant seuls, tout en étant mariés, qu'on est allé chercher dans leurs douars». Et de considérer que la population française d'origine extracommunautaire, particulièrement les jeunes, pourrait être en 2012 «très sensible à la façon dont la République traite ses aînés et pourrait s'assurer que le candidat auquel elle donnera ses voix portera soit ce dispositif, soit une solution identique en faveur de ces vieux migrants».