Une nouvelle perturbation et des accusations. La filière du lait n'en finit pas de peser sur le quotidien des Algériens. Jusqu'à quand ? El Watan Week-end revient sur les raisons d'un dysfonctionnement, qui, cette fois, pour le ministère, est imputable aux distributeurs. En direct d'Alger et des régions. Plus rien ne tourne dans la filière du lait, la pénurie est de retour ces derniers jours au centre et centre-ouest du pays. A nouveau, les Algériens sont contraints de courir après un hypothétique liquide qui s'apparente, de plus en plus, à de la poudre légèrement diluée dans de l'eau. Pour ne rien arranger, les épiciers cacheraient, d'après certains distributeurs, leur quota de sachets dans les congélateurs pour leurs proches. «Pour éviter ainsi les scènes de cohue», explique un distributeur de la capitale. Comme à chaque perturbation, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural sort de son chapeau un nouveau responsable censé expliquer, à lui seul, la crise que connaît la filière. Il y a quelques semaines, les coupables étaient les laiteries privées, accusées de détourner la poudre de lait pour fabriquer du fromage, à plus forte valeur - ajoutée. Cette fois-ci, ce sont les distributeurs travaillant avec les laiteries privées qui sont pointées du doigt et auxquelles on reproche d'entretenir la pénurie. «Faux !» affirme Mohamed, distributeur pour la laiterie Bettouche. «Actuellement, je distribue 7500 sachets de lait par semaine alors que j'en distribuais 35 000 ! Je suis obligé de rationner à 50 sachets chaque épicerie, sachant que je livrais 600 sachets à certaines. De plus, je ne travaille plus que trois jours par semaine et le reste du temps, mes trois camions sont à l'arrêt. En vingt-deux ans de métier, c'est la première fois que je vis une telle situation !» A Blida, Hakim, distributeur pour la laiterie Monlait, trouve le temps long et son chiffre d'affaires chute dangereusement depuis le début de la crise. Cela fait quinze jours que ses cinq camions sont à l'arrêt, car la laiterie Monlait, l'une des plus importantes du pays, ne produit plus aucun sachet de lait, faute de poudre. Cinq frères au chômage «On est cinq frères au chômage, confie Hakim. Je distribuais j'usqu'à 30 000 sachets de lait dans cinq secteurs de Blida et actuellement, plus rien. Cette situation favorise la spéculation. Des petits malins, sans registre de commerce, vont jusqu'à Aïn Defla s'approvisionner auprès de la laiterie publique pour le compte de commerçants qui revendent le sachet de lait à 35 DA.» La situation des distributeurs liés aux laiteries privées est des plus précaires et beaucoup s'interrogent sur ce que l'avenir leur réserve. «S'ils veulent qu'on arrête, ils n'ont qu'à nous le dire», s'emporte Mohamed. «Nous venons d'envoyer une lettre de doléances au ministère pour expliquer notre situation. Pour le moment, nous n'avons toujours pas de réponse…» En fait, les distributeurs se retrouvent otages du bras de fer qui oppose depuis un certain temps le ministère de l'Agriculture aux laiteries privées. L'Etat ayant décidé de diminuer l'importation de la poudre de lait, il a été demandé aux laiteries de se convertir au lait cru, or cette nouvelle stratégie ne semble pas les enchanter, alors elles traînent les pieds. Du coup, le ministère, à travers l'Office national interprofessionnel du lait, punit à sa manière les plus récalcitrantes, en privant certaines de poudre de lait ou en n'accordant à d'autres que de petites quantités. Seules les laiteries publiques semblent épargnées par ce poker menteur où chaque secteur avance ses pions en prenant en otages les consommateurs qui se demandent jusqu'à quand va durer cette nouvelle crise ?