Me Benbrahem, avocate, qui s'inscrit dans cette logique de refus de ce projet d'amendement, a expliqué cette réaction en avançant plusieurs arguments. D'abord, elle a tenu à préciser que le code de la famille, « par essence unificateur de la société, doit découler de la Constitution. Il ne doit en aucune manière être la cause d'une discorde interne. Ce qui n'est pas le cas avec le projet d'amendement présenté par la commission. Les Mozabites, par exemple, ont menacé de recourir au droit coutumier en cas d'adoption de ce projet de texte. » L'avocate reconnaît que le code actuel mérite d'être réadapté à la réalité socioéconomique du pays pour plus de droits aux femmes. Elle dira qu'il existe une « ignorance totale du contenu de ce texte. L'article 8, par exemple, précise qu'il permet la polygamie dans les limites de la charia si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies, et après information préalable des précédente et future épouses. L'une ou l'autre peuvent intenter une action judiciaire contre le conjoint en cas de dol ou demander le divorce en cas d'absence de consentement. Cet article n'a jamais été appliqué. Le projet d'amendement de cet article a été remodelé de la façon suivante : il est permis de contracter mariage avec plus d'une épouse si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies. Dans ce cas, l'époux doit informer la (ou les) précédente (s) ainsi que la (ou les) future (s) épouse (s) et doit introduire une demande d'autorisation auprès du président du tribunal du lieu de résidence de ses épouses. Le président du tribunal peut autoriser le nouveau mariage s'il confirme le consentement des épouses, et si l'époux prouve les motifs, sa capacité d'équité et les conditions nécessaires à la vie conjugale. Moi je dis pourquoi on a apporté un changement à un article tout aussi restrictif, alors que la disposition relative à al isma (l'autorité) entre les mains du mari, et qui viole les droits des femmes, n'a pas été touchée. De même que les dispositions iniques sur l'héritage et la succession qui restent inchangées... ». Me Benbrahem est revenue sur la question de la tutelle qui est « secondaire » par rapport, notamment, à la garde des enfants. « Est-ce que vous savez que la garde des enfants cesse à 18 ans pour la fille et 10 ans pour le garçon ? » Selon Me Benbrahem, l'article relatif à la tutelle n'est pas contradictoire avec la Constitution dans la mesure où il est précisé que « la conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial. Or, celui qui conclut le mariage n'est pas celui qui signe l'acte de mariage, qui est, faut-il le préciser, signé uniquement par les deux époux et les témoins. L'article 12 indique que le tuteur ne peut empêcher la personne placée sous sa tutelle de contracter mariage si elle le désire et, en cas d'opposition, le juge peut autoriser le mariage. Mieux, l'article 13 interdit au wali, qu'il soit le père ou autre, de contraindre au mariage la personne placée sous sa tutelle de même qu'il ne peut la marier sans son consentement. Il faudra batailler pour que la femme au même titre que l'homme puisse avoir droit au logement. Enlever l'obligation d'un tuteur pour la femme et garder un autre article qui dit que la femme divorcée revient au domicile de son tuteur sont aberrants. Les travaux de la commission ont été bâclés... ». Elle a estimé que les traditions algériennes font que « toutes les femmes, y compris celles instruites, se marient en présence de leurs parents ». Selon elle, il « faudra batailler » pour arriver à rendre ces femmes « plus autonomes » en leur permettant d'avoir accès au travail et au logement. « Pourquoi dans les projets des Offices de promotion immobilière (OPGI), de l'AADL et des logements sociaux, il est accordé une priorité aux couples, mais dès qu'il y a divorce, c'est l'homme qui en bénéficie ? Pourquoi demande-t-on l'acte de mariage pour la constitution du dossier de l'acquisition d'un logement, alors que ce dernier est établi au nom du mari ? Ce sont là les vrais problèmes de droits des femmes. Il faudra faire en sorte qu'il y ait des textes de loi qui obligent les promoteurs à consacrer un quota pour les femmes divorcées, les veuves et même les femmes célibataires. C'est sur ces questions qu'il faudra batailler. » L'avocate a, en conclusion, appelé à « une lecture plus détaillée » du code de la famille afin d'extirper les véritables dispositions qui violent les droits des femmes et des enfants. Elle a noté que le travail de la commission est « aujourd'hui remis en cause par certains membres de cette même commission, une partie de la classe politique. »