Retourné par le Mossad israélien ou simple pirate d'Internet en manque de gloire ? Le célèbre hacker de Maghnia, en fuite à l'étranger après une série d'aventures à la James Bond, a contacté notre journaliste pour démentir toutes les rumeurs le concernant. Témoignage. J'ai pris connaissance de l'existence du hacker de ma ville, Maghnia, par le biais d'un site où seule l'expression «Comment un hacker de Maghnia a été recruté par le Mossad» attira mon attention. Puis, dépoussiérant ma mémoire, je me souvins d'un jeune que je rencontrais souvent dans un cybercafé en ville. A l'époque, encore insouciant, il fanfaronnait devant ses copains en disant qu'il pouvait faire exploser des serveurs de n'importe quelle institution internationale. Mon premier réflexe était de prendre langue avec ses proches, des jeunes qui me confirmèrent que leur «ami» était à présent à l'étranger. Mais comme aucun d'entre eux n'avait ses coordonnées, je suis resté dans l'expectative. Curieusement, le soir même, je reçus un appel sur mon téléphone portable à partir d'un numéro privé. C'était lui ! Le hacker. Il me dit tout de go : «Je ne travaille pas avec le Mossad et si tu veux, je te raconte ma véritable histoire.» Recrutement «Comme tous les “white hat'' (hacker “gentil''), j'ai rendu publiques beaucoup de failles de systèmes informatiques dans les sites comme “Milw0rm'' et “Effensive security” depuis 2000. Et personne n'a détecté mon adresse IP. Et c'est le responsable de la société de sécurité informatique, “Effensive security'', en l'occurrence Mati Aharoni, d'origine juive, qui m'a contacté. On s'est parlé pendant deux ans jusqu'au jour où il m'a proposé un projet : “Veux-tu faire un job de haut niveau ?'' De quoi s'agissait-il ? Il me précisera : “Tu dois faire un test de pénétration de système.'' J'ai accepté, puisque seul l'argent m'intéressait. Je demandais simplement quand j'allais pouvoir commencer le boulot. Mati m'a conseillé de “leur'' parler directement. A qui ? “Eux, les chefs d'une entreprise.'' Mati me conseillera également de ne pas parler d'Algérie. Deux jours après, j'ai fait un saut à Oujda (Maroc oriental), à 14 km de chez moi, et à partir d'un cybercafé, je suis entré en contact online avec eux. On m'a envoyé un logiciel à test (overflow). 12 heures plus tard, ma mission a été jugée concluante. Très satisfaits, mes nouveaux employeurs m'envoyèrent 5000 dollars. On m'a alors proposé un autre travail, mais il fallait, cette fois-ci, que je sois physiquement présent. J'ai accepté. On me proposa la Tunisie. C'était une aubaine pour moi, un jeune hittiste passant son temps dans un cybercafé de Maghnia. On me réserva une belle chambre dans un bel hôtel. A mon arrivée, une charmante femme du nom de J. C. m'accueillit. On a vite repris le boulot. On m'a confié un autre logiciel à tester. Cela a été pour moi un jeu d'enfant, encore une fois. Et c'est là que j'ai osé leur poser cette question, parce que leur attitude et ce qu'ils demandaient me paraissaient suspects : “Vous êtes quelle entreprise et pourquoi vous avez refusé de venir en Algérie pour me rencontrer ?'' Ils ont répondu : “Nous sommes des indépendants qui travaillons souvent avec Mati et pour venir en Algérie, on avait besoin d'un visa qu'on n'était pas sûrs d'obtenir.» Après un séjour de 28 jours en Tunisie, ils m'ont proposé de rentrer au pays et de déposer un dossier de demande de visa au niveau du consulat de Belgique à Alger. Qu'à cela ne tienne. Une fois au service consulaire belge, une jeune femme a personnellement pris en charge mon dossier, sans frais de visa ! Après quoi, je suis rentré à Maghnia et, une semaine plus tard, je reçois un coup de fil du consulat me demandant d'aller récupérer mon visa. Une demi-heure plus tard, on m'appela d'un numéro privé me disant : “Tu peux aller chercher ton argent (78 millions de centimes) versé sur le compte de ton père, c'est pour t'acheter des vêtements et le billet d'avion.“ J'étais intrigué : comment ont-ils pu prendre connaissance du numéro du compte postal de mon père ? Tout excité, j'emmenais mon père à la poste lui faisant croire qu'un ami m'avait envoyé cette somme. Le soir même, je suis entré en contact via le net avec mes interlocuteurs rencontrés en Tunisie pour leur demander qui sont ces gens qui m'ont envoyé de l'argent. On m'a répondu que c'étaient des gens qui travaillaient pour plusieurs entités, même pour les Israéliens. Là, j'ai eu peur. Mais le 15 janvier 2010, j'ai quand même pris l'avion Alger-Bruxelles. Une fois arrivé à l'aéroport belge, une femme m'accosta pour me dire qu'il y avait des gens qui voulaient me parler au parking…» Le piège de Bruxelles Les deux individus qui attendaient le jeune génie dans le parking de l'aéroport montrèrent une grande sympathie à son égard, mais, selon lui, ils n'avaient rien de chefs d'entreprise. Il était clair que les deux personnes n'allaient pas trop s'attarder en salamalecs. Après son installation dans un hôtel du centre de Bruxelles, le hacker prit connaissance du programme à exécuter «On m'a demandé de pirater les serveurs d'institutions étatiques du pays d'accueil. J'ai senti que je n'avais pas affaire… à des hommes d'affaires. J'ai eu peur. Le lendemain, j'ai pris discrètement attache avec notre consulat, d'autant que je n'avais plus mon passeport algérien.» Notre génie, qui possédait plusieurs identités, comme cela lui avait été conseillé lors du voyage de Tunis, tenait à rentrer au pays. «L'étau se resserrait autour de moi : ou j'acceptais ma nouvelle mission avec des services secrets, ou c'est la mort qui m'attendait», nous dit-il. Aux services consulaires algériens, on lui délivra une autorisation de retour au pays valable pour un mois. Il rentre d'abord à Lille, dans le nord de la France pour réembarquer à destination d'Alger. « Mais les services de la police m'ont arrêté à l'aéroport de Lille. Les ennuis allaient se poursuivre.» «Car apparemment, ma réputation m'avait précédée : mes anciens employeurs, qui avaient une couverture de chefs d'entreprise et à qui j'ai faussé compagnie, avaient porté plainte contre moi pour escroquerie. Bizarre, ils m'avaient, pourtant, payé pour des travaux effectués en qualité de “conseiller'' comme le prouvent les virements effectués sur mon compte en Suisse. A l'aéroport de Lille, au lieu de me mettre en prison ou de me traduire devant un tribunal, on me relâcha sous conditions : je devais collaborer avec des services du renseignement français.» Le hacker, se sentant embourbé, n'avait pas trop le choix. «J'étais en quelque sorte un bandit d'honneur informatique connu, mais recherché pour “désertion, trahison…'' Et je détenais des informations de première main au sujet de services secrets qui agissaient sous différentes couvertures. Ils craignaient que je me mette à parler. Moi, je ne me faisais pas d'illusion, j'étais dans la gueule… des loups. En France, on m'a donc demandé d'infiltrer des serveurs, notamment ceux de deux journaux algériens, et y publier des informations compromettantes (qu'ils m'avaient confiées) sur des responsables algériens. Je les avais mis en confiance, mais je n'ai pas tardé à fuir à Paris, puis ailleurs… J'ai fui, mais ce qui me fait mal, c'est que mes parents sont constamment harcelés à Maghnia. Eux, ils n'ont rien fait, je suis le seul responsable de tout ce qui arrive… Ce qui est sûr, c'est que je n'ai jamais trahi mon pays et je ne le ferai jamais. Je ne suis plus en sécurité, je veux rentrer dans mon pays…» conclut-il, avant de raccrocher brusquement, comme s'il en avait assez de se justifier…