Les Brésiliens s'attendaient à tout sauf peut-être à cette espèce de miracle qui propulse leur pays dans le cercle encore restreint des puissances mondiales. Ils le doivent à un homme qui a tout enduré et qui a fini par avouer qu'il n'était pas préparé pour exercer la mission qu'il avait pourtant lui-même choisie. Devenir président d'un pays, le désespoir est le sentiment commun à des millions de personnes. Donc là où il est plus facile de parler de l'injustice dans tous les sens du terme, tant celle-ci est partout avec des populations qui vivent en marge d'une société au sein de laquelle, déjà, la classe moyenne était à peine visible. Tout cela en partant de bien loin, et même de très loin. Ce rêve, Luis Ignacio da Silva l'a accompli, sans jamais changer de bord, c'est-à-dire sans jamais oublier son origine sociale. Lula a même pu transmettre ce message aux Brésiliens, ceux-ci le lui rendent bien en élisant celle que lui avait choisie pour lui succéder. Mais ils doivent regretter que l'homme qui incarne et qui a conduit le miracle brésilien ne puisse rester. Lula a quitté la présidence brésilienne après ses deux mandats, sans connaître l'usure du pouvoir, comme l'atteste l'indice de popularité – 87% – qui ne risque pas d'être égalé. Ce qui pose un énorme problème, mais pas un handicap, à celle qui lui succède. Dilma Rousseff au parcours presque identique à celui de Lula. Elle aussi vient de la gauche rien que pour signifier ce côté idéologique supposé faire peur à un peuple habitué à choisir ses dirigeants dans ce qu'il est convenu d'appeler la classe politique traditionnelle. Son seul problème, si jamais cela devait se poser en ces termes, elle est l'héritière de Lula. Depuis huit années, ce même peuple a décidé de bousculer ce qui tient lieu de tradition et d'aller voir ailleurs. Un choix qu'il ne regrettera en aucun cas. Et pour cause. Lula n'a pas véritablement imposé le programme de la gauche. Il a donné aux uns sans rien prendre aux autres. Une incroyable équation qui a fait le bonheur de millions de Brésiliens, mais aussi, se rendra-t-on compte, des milieux d'affaires, en faisant venir sur le marché des millions de nouveaux consommateurs. C'est là l'impact de la distribution des terres à ceux qui en ont été privés. Une promesse électorale qu'il est difficile de tenir, cela on le sait. Les milieux d'affaires en redemanderaient tant cela arrange leur business. C'est ce que la nouvelle présidente Dilma Roussef leur a promis, elle qui s'est engagée à éradiquer la pauvreté qui touche encore vingt millions de personnes. Comment faire autant sinon mieux que Lula, lui qui a amené le monde à percevoir son pays sous un angle nouveau, loin du football et de la samba ? C'est-à-dire une puissance qui ne se contente pas uniquement d'intégrer la hiérarchie mondiale, mais qui entend conserver son indépendance. Même si cela a fait grincer quelques dents.