- Le mouvement perdure et gagne en intensité malgré la répression. Jusqu'où peut-il aller ? Le pouvoir est-il réellement menacé ? On assiste à un cataclysme sans pareil en Tunisie. Malgré le couvre-feu mis en place, hier, dans la capitale, des manifestations énormes continuent d'avoir lieu à Tunis. Aujourd'hui, personne ne peut arrêter ce mouvement. Le président Ben Ali avait les moyens auparavant de négocier avec quelques individus de la société civile. Désormais, la rue campe sur des positions non négociables et n'a plus qu'une seule revendication : «Vingt-trois ans, basta ! Ben Ali berra !» Ce sont des villes entières qui sortent dans les rues, et ce, dans toute la Tunisie. Le mouvement a même atteint l'immense quartier populaire Ettadamoun, qui compte 800 000 habitants, surnommé les poudrières de Tunis. Le mouvement est parti pour ne pas s'éteindre, il s'agit d'une révolution. Le président peut faire une énième apparition télévisée, son départ est inévitable.
- Est-ce que la question de l'après-Ben Ali se pose ? L'Occident s'obstine à poser cette question totalement inappropriée. On veut une Tunisie docile. Or, les Tunisiens, eux, veulent d'abord sortir de ce cauchemar qui dure depuis vingt-trois ans. Ce qui se passera après, on verra ! Je crois en cette jeunesse, en ces hommes et ces femmes qui ont décidé de défier un tyran qu'on croyait invincible. L'après-Ben Ali ? On y est déjà ! Pour une fois qu'un peuple se réveille et de cette façon-là, il faut le soutenir. Le peuple en ce moment même se gouverne alors que le pouvoir est en vacances. Faisons confiance au peuple. Il s'est fait notre guide, suivons-le, même si nous ne savons pas exactement où il nous emmènera. Et koul chay mabrouk.
- Le parti démocrate a parlé d'un éventuel gouvernement du salut comme issue à la crise, qu'en pensez-vous ? Il faudra peut-être créer une convention nationale, mais à l'heure actuelle, le peuple n'entend les déclarations d'aucune partie, il s'exprime et c'est lui que nous devons écouter.
- Comment jugez-vous la réaction de la communauté internationale et de la France en particulier ? Cette réaction timide était prévisible. On souhaite voir en la Tunisie un partenaire docile. La France, en particulier, se trompe. Ses intérêts sont réellement menacés, elle sera chassée un de ces jours de la Tunisie et du Maghreb entier.