Depuis la création, dans les années 1990 des dispositifs d'emploi destinés aux jeunes, une erreur courante persiste chez les postulants de Souk Ahras. Pour un contrat de préemploi ou un recrutement temporaire dans le cadre du filet social ou de l'emploi de jeunes ou encore du récent dispositif d'assistance à l'insertion professionnelle (DAIP), des dizaines de jeunes se ruent quotidiennement vers les bureaux de l'Agence nationale du soutien à l'emploi des jeunes (Ansej) au lieu de la direction de l'emploi, dont le siège est situé dans le même immeuble (et c'est peut-être la cause de cette confusion). On éprouve d'ailleurs du mal à discerner, parmi cette faune de jeunes gens, ceux qui désirent déposer un dossier dans l'une ou l'autre administration puisque les deux ne jurent que par l'Ansej. Une situation burlesque a été vécue par l'ex-directeur de l'agence, qui devait porter sur son dos et les doléances écrites critiquant la gestion de l'Ansej et celles relatives à la direction de l'emploi. Cette introduction sert surtout à expliquer combien le travail de vulgarisation de ces dispositifs, qui ont plus de dix longues années, est resté défaillant. Pour bon nombre de demandeurs d'emploi qui boudent l'Ansej, un alibi fort consistant nous a été donné par un groupe de jeunes que nous avons réunis hier. Pour l'un d'eux, Ouahab, économiste, diplômé de l'université de Souk Ahras, l'attribution des projets doit obéir aux besoins microéconomiques et macroéconomiques du pays, sous peine de perdre cette option dans les préalables populistes, l'investissement étant l'essence même de toute tentative de décollage économique. «J'imagine mal un essor que l'on pourrait réaliser avec l'implantation d'un nombre exagéré de pizzerias, de boulangeries ou d'agences de location de voitures. C'est l'investissement productif qu'il y a lieu d'encourager par le biais de ce dispositif», a-t-il affirmé. Dans le même ordre d'idées, un de ses amis s'en est pris à l'esprit même de cette formule, critiquant certains métiers de tradition contenus dans les listes proposées aux postulants. Il refuse d'admettre qu'«une personne qui n'a aucune idée sur les ingrédients d'un croissant puisse opter pour l'ouverture d'une pâtisserie». C'est l'«échec garanti», ont conclu à l'unisson les autres jeunes pour conforter l'approche de notre interlocuteur. Il s'agit donc de profil et de formation pour s'assurer que le projet aboutira aux résultats escomptés. Deux poids, deux mesures Pour de telles raisons, l'on préfère l'attente d'un hypothétique recrutement dans le cadre des autres formules plutôt que de se lancer dans l'aventure d'un prêt bancaire, même s'il est remboursable à long terme et même si des privilèges fiscaux et parafiscaux sont consentis par l'Etat. C'est donc la conclusion de notre premier interlocuteur qui a prévalu pour ce groupe, qui n'y voit que leurre. Aussi dit-on : «Ou l'on est investisseur avec tout ce que cela suppose comme conditions, ou l'on est simple demandeur d'embauche.» Pour ceux déjà perdus dans les dédales de la bureaucratie pour un éventuel projet d'avenir, les avis sont différents et les contraintes pour aller jusqu'au bout de l'objectif sont nombreuses. A commencer par les réticences bancaires, un sempiternel problème qui ne trouve toujours pas solution. Sabri est l'un des nombreux inscrits sur la liste des promoteurs dont le dossier, validé depuis des mois, prend l'air d'un rêve inachevé. Il affirme avoir vu de ses propres yeux des jeunes déposer, valider leur dossier et bénéficier du prêt bancaire en un temps record. Un deux poids, deux mesures outrageant, confirmé auprès d'une source de l'Ansej qui a, toutefois, tenté d'exprimer le phénomène sans critiquer lesdites structures financières. «Nous reconnaissons l'existence de certaines lenteurs au niveau des banques, mais nous croyons que les nouvelles directives des responsables centraux seront salutaires pour cette formule», a expliqué notre source. Salim et Kamel ont surtout fustigé deux députés pour leurs frasques dans le domaine. L'un d'eux est désigné comme un «véritable détenteur de monopole» vu ses relations privilégiées avec les banques; l'autre s'est arrogé le droit d'attribuer à ses proches des dizaines de projets dans des conditions assimilées à un affront pour la population locale. Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, l'Ansej donne matière à jaser pour les uns et ne suscite guère d'engouement pour les autres.