Les chiffres optimistes donnés par le gouvernement se heurtent à la réalité amère des jeunes sans emploi. Les discours enthousiastes sur l'éradication du chômage et les chiffres optimistes se heurtent aux actes désespérés des jeunes Algériens. La pierre angulaire du gouvernement de Bouteflika pour endiguer le chômage a toujours été l'Agence nationale de promotion de l'emploi de jeunes (Ansej). Les officiels ont ainsi à cœur de présenter un bilan positif du dispositif : en 13 ans, disent-il, 140 000 micro-entreprises ont été créées grâce à l'Ansej, générant près de 400 000 emplois. Entre 2008 et 2010, le nombre de projets soutenus par l'Ansej a doublé, passant de 10 000 à 22 000. Mais combien d'entreprises survivent au désordre qui règne dans le marché algérien ? Quels sont les promoteurs qui parviennent à rembourser leurs dettes ? N'y a-t-il pas des entreprises qui disparaissent faute d'une vision managériale ou d'une formation adéquate ? Existe-t-il des boîtes fantômes de jeunes intéressés uniquement par l'argent et qui n'avaient guère l'intention d'aller jusqu'au bout ? Pour toutes réponses, les responsables du ministère du Travail et ceux en charge du dispositif avançaient, en janvier 2011, un «taux d'échec» de 20%, le même qu'en 2005. Nombre d'analystes et d'observateurs estiment que ce chiffre est bien supérieur à ce qu'on voudrait nous faire croire. En octobre 2009, Djamel Djerrad, commissaire aux comptes et président de l'Union des experts-comptables d'Algérie, déclarait que «plus de 50% des entreprises créées dans le cadre des dispositifs du micro-crédit finissent par disparaître». Il impute cette situation au manque d'accompagnement des jeunes promoteurs ainsi qu'à l'absence de contrôle des institutions en charge d'appliquer les dispositifs de création de micro-entreprises. Et il n'est pas le seul à être de cet avis. Bureaucratie Selon une étude réalisée par l'université de Tlemcen sur «La contribution du dispositif Ansej au développement de l'entrepreneuriat», il apparaît que l'Ansej dispose de peu de moyens pour accompagner au mieux les porteurs de projets. Dans la mesure où, d'après eux, 81,25% des entrepreneurs n'ont reçu aucune formation dans leur domaine de prédilection et que les préalables nécessaires à la création d'entreprise sont souvent occultés, les chances de réussite sont assez minces. Le nombre de micro-entreprises en défaillance ou en situation précaire serait, à en croire l'étude en question, de l'ordre de 65,83% dans la wilaya de Tlemcen. Et les auteurs de l'étude de s'interroger : «Ce présumé échec est-il dû essentiellement à l'occultation des normes traditionnelles ? Ou à d'autres facteurs post-création tels que la mauvaise gestion, la mauvaise volonté, l'incompétence, le mauvais positionnement du local ou tout simplement un mauvais départ engendré par une perte de temps d'environ 16 mois (un véritable parcours du combattant) entre le dépôt du dossier et le démarrage effectif, ou à la mauvaise foi de certains entrepreneurs qui semblent attirés uniquement par les avantages offerts par le dispositif, et, une fois le matériel acquis en HT et revendu en TTC, lesdits promoteurs disparaissent dans la nature (cas des adresses erronées) ?» Sur le terrain, est-il noté dans l'étude, beaucoup d'entrepreneurs aidés par l'Ansej – ou par les autres dispositifs de micro-financement – échouent en cours de route, restent dans l'informel ou refusent de rembourser le crédit. Les organismes se voient donc démunis face au faible taux de recouvrement, les procédures judiciaires sont longues et coûteuses par rapport au faible taux d'intérêt du micro-financement et les résultats des procédures incertains. Et puis, il y a ceux qui ont été piégés par le système. Dans une enquête réalisée par le Centre français d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), il est souligné que les relations des jeunes entrepreneurs avec les organismes professionnels restent rares et médiocres. Leurs contacts avec l'Ansej s'arrêtent juste après avoir reçu l'attestation d'éligibilité. Ainsi, les jeunes promoteurs sont livrés à eux-mêmes, non armés dans un environnement économique caractérisé par une concurrence très rude et souvent déloyale. «Avant, j'étais chômeur sans dettes et après avoir bénéficié du programme d'aide, me voilà toujours chômeur mais avec des dettes», a confié au Céreq un jeune originaire de la ville de Béjaïa. Même s'il est évident qu'il existe quelques success-stories dans le dispositif de soutien à l'emploi, l'Etat devrait songer à une véritable politique pour aider convenablement les jeunes et non pas alimenter la propagande des médias officiels.