Les électeurs de Kabylie sont appelés aujourd'hui à aller voter pour leurs représentants au sein des Assemblées locales dans des conditions qui ont leurs particularités, mais qui sont loin du climat guerrier qui fut au rendez-vous des législatives et des locales de 2002. Pour la première fois depuis 1997, date de la dernière élection « sereine » dans la région, les appels à la participation, si l'on excepte les voix à peine audibles du MDS et d'une faction minorée des archs, ont été émis par tous les acteurs politiques. Est-ce suffisant pour mettre les conditions d'un engouement électoral à même de faire riper les taux de participation à des seuils significatifs et réconcilier le citoyen avec des urnes que l'on a soit boudées ou brûlées depuis des années ? Les intentions électorales de la masse des citoyens restent en effet une inconnue pour plusieurs observateurs qui se réfèrent, entre autres, au pouls même de la campagne, jugé pour le moins en deçà des enjeux que le rendez-vous comporte. La campagne parait avoir juste permis de galvaniser des militants et des sympathisants pour les partis et d'injecter, dans des cercles souvent restreints, l'idée d'une représentation affranchie de tutelles partisanes s'agissant de listes indépendantes. Le gros de l'électorat est resté, quant à lui, un peu en dehors des entrefaites visibles de la campagne comme peut le révéler l'assistance à peine moyenne lors des différents meetings organisés, soutient-on. D'autres rétorquent cependant que l'observation, pour juste qu'elle soit, ne peut pas réellement préfigurer de l'attitude de l'électorat qui a forcément évolué depuis 1997 à l'ombre des événements nombreux et marquants vécus par la région depuis au moins l'explosion d'avril 2001. Sur ce point précis, le scrutin d'aujourd'hui s'annonce d'ailleurs comme une épreuve à même de renseigner sur la constance, la mutation ou le bouleversement des tendances ayant caractérisé jusqu'ici le réservoir de voix au niveau des wilayas de Kabylie. Une percée Les pronostics hasardés hier par des candidats et les cadres des partis en lice se sont accordés sur un optimisme qu'il est loisible, néanmoins, de prendre comme ultimes messages de campagne au profit de leurs listes respectives. M. Allilat, responsable du bureau de wilaya RND à Béjaïa, soutient ainsi que les échos recueillis durant la campagne sont venus conforter une assurance partagée dans les rangs du parti localement quant à une percée dans la région. « Nous sommes convaincus que l'occasion sera saisie par les citoyens pour tourner la page de l'instabilité. Le RND pourra faire la surprise », professe-t-il. Dans le camp adverse, l'optimisme est accompagné d'un pressant appel à la mobilisation pour contrecarrer la fraude. « Nous avons toutes les raisons de croire que les citoyens ont saisi les gros enjeux de ces élections et qu'ils iront voter pour contrer les desseins du pouvoir. Notre message est passé », défend le docteur Kessas, président du bureau régional du RCD. En tout, 246 listes sont en compétition pour les sièges des 52 communes que compte la wilaya de Béjaïa et 14 listes concourent pour l'Assemblée populaire de wilaya (APW). 15 partis politiques prennent part à ces joutes avec des ambitions inégales. Arithmétiquement, mais aussi eu égard à un ancrage géographique non démenti pour l'heure, le FFS part favori avec 48 listes pour les APC, suivi du FLN dont les cadres ont promis « un grand retour ». Le RND s'y présente avec 37 formations et le RCD, qui a opté pour le boycottage en 2002, en propose 29 à travers la wilaya. Une configuration qui illustre toute la teneur décisive de l'échéance puisqu'elle met en exergue la bataille politique que vont se livrer localement les partis de l'opposition et les « partis du pouvoir ». Les 66 listes avancées par les indépendants misent quant à elles sur la désaffection, à la fois présumée et probable, des citoyens vis-à-vis des sigles partisans pour se frayer une voie vers les sièges municipaux.