Indigence, abandon, indifférence... les qualificatifs bien sentis ne font point défaut pour décrire, par touches successives, le sort pour le moins indigent fait à la culture et à ses hommes confirmés. Que de fois, d'ailleurs, ceux-là se sont indignés de cet état plus que sordide, n'honorant guère la ville et les gens effacés qui s'attellent cahin-caha à redonner à Beni Mezghena son lustre d'antan. Ne voyons pas en ces propos une nostalgie certaine d'une citadinité de pacotille ou une quelconque passion pour l'Algérie de papa depuis longtemps battue en brèche. Point n'est pour nous, de plus, de jeter la pierre à personne tant les responsabilités sur cette situation qui dure sont partagées par tous et à tous les échelons de la sphère culturelle. Les « bousbousat » et autres salamalecs des salons feutrés ne sont pas pour renverser la vapeur tellement la culture de l'indigence a pignon sur rue dans cette métropole qui prend, de bonne logique et chaque jour un peu plus, les aspects loqueteux d'un gros bourg. Les avilissantes ambitions mercantilistes prennent, convenons-en, le pas sur les choses de l'esprit et ses virtualités vivifiantes. Bien que la demande incessante ne s'est jamais démentie même au plus fort de la décade passée qu'a connue le pays, l'offre se rétrécit comme une vulgaire peau de chagrin sans que cela n'émeut outre mesure les chargés du secteur, le ministère de la Culture en premier. Rien ne sert donc de brosser une énième fois le tableau qui n'est pas des plus flatteurs. L'exercice reste vain et dissonant dans cet univers de l'inculture. Il suffit pour ceux se renfrognant à admettre cette réalité patente de faire les quelques librairies et ces lugubres maisons de la culture pour constater l'ineffable. Ammi Mouloud, vieux libraire confirmé devant l'Eternel, ne ménage aucunement ces Algérois, dont on s'ingénie à remettre en cause les goûts : « Cela cache mal un malaise plus général. »