Tizi Ouzou s'est réveillée, jeudi matin, sous une pluie incessante. Le dispositif électoral était en place, mais les premiers électeurs n'ont commencé à rejoindre les bureaux de vote que vers 10h. A l'école d'Agouni Taga, à Aït Aïssa Mimoun, commune qui a enregistré le taux de participation le plus élevé lors du dernier référendum avec plus de 36 %, 70 personnes sur 600 inscrites ont mis leur bulletin de vote dans l'urne. C'est l'une des cinq communes qui a présenté deux listes indépendantes aux côtés du FFS, du FLN et du RCD. Premier problème soulevé : des électeurs illettrés ont eu du mal à distinguer les bulletins les uns des autres. Les encadreurs du bureau de vote appliquent les consignes : ne pas assister les électeurs. « Certains électeurs ne savent même pas qu'il y a des listes pour l'APW », dit un membre du bureau de vote. Le décalage entre les suffrages exprimés pour les APC et l'APW allait se confirmer dans de nombreux centres de vote. Au café les Quatre chemins de Tikobaïne, un groupe de jeunes commente le déroulement de l'opération. « Je devais accompagner mon père et ma mère au bureau de vote, mais j'ai changé d'avis. Le bulletin ressemble à un journal. Il n'y a aucun signe distinctif », dit un jeune militant du FFS. Un vieil homme s'approche du groupe, tout heureux d'avoir donné sa voix pour sa liste préférée. « J'ai voté pour le FFS », dit-il. Il retire des bulletins de sa poche, parmi lesquels figure justement celui du FFS. Par ignorance, il venait de voter pour une autre liste. « C'est la roulette Russe ! On nous demande quel bulletin mettre dans l'urne, mais le règlement nous interdit d'intervenir dans pareils cas », dit Youcef Khouas, chef de centre de Tinijelt, à Tikobaïne. UN CALME PESANT Dans les deux bureaux de vote du centre, sur un total de 1 119 inscrits, 182 personnes ont voté pour l'APC et 177 ont donné leur voix à l'APW, à 11h. Les électrices sont absentes et les listes APW sont boudées. Quelques kilomètres plus loin, à Souk El Had, dans la commune de Timizart, l'école des frères Tighedine est quasiment vide. Sur 503 inscrits, seulement 65 sont partis choisir parmi les listes du FLN, du RCD et du FFS. Dans les bureaux de vote, le taux de participation ne suit pas le rythme des heures qui passent. A notre arrivée dans la localité de Fréha, à la mi-journée, les membres des 4 bureaux de vote de l'école Aït Youcef avalaient leurs sandwiches. Les rayons du soleil, qui ont pu se soustraire de la grisaille ambiante, n'ont pas motivé les électeurs à sortir. A peine 10% de votants pour les deux assemblées ont été enregistrés. Un observateur du RCD crie à la fraude, mais sans donner des faits avérés. A Aghribs, village natal de Saïd Sadi, la pluie commence à tomber de plus belle. Les listes du RCD, du FLN et du FFS sont en compétition pour la commune. Sur un mur d'une épicerie est accroché un portrait géant de Saïd Sadi. Les ruelles du village sont défoncées et boueuses. Dans le CEM centenaire du village, centre de vote, notre équipe reçoit le plus désagréable accueil de la journée. Le chef de centre, sur les nerfs, refuse sèchement à notre photographe de faire son travail. Il répond évasivement à nos questions, puis disparaît subitement. « Allez à la mairie ramener les autorisations », nous a-t-il lancé, avant de s'enfuir. A 13h, 200 personnes ont voté sur 1 200 inscrits. Le taux est faible, mais le nombre de femmes dans les bureaux est assez élevé, malgré la pluie battante. Azazga, deuxième ville de la wilaya, baigne dans un soleil radieux. Vers 14h, l'affluence est considérable. Sur 2 500 inscrits, 335 ont voté pour l'APC et 318 pour l'APW, en début d'après-midi. Le chef du centre Zaïdat explique : « Nous rencontrons d'énormes problèmes avec les électeurs illettrés. Ils n'arrivent pas à faire la distinction entre les listes, mais nous ne pouvons rien faire. » Un homme accompagne sa grand-mère de 90 ans dans le bureau N° 4, l'assiste dans son choix, avant que le chef du bureau ne réagisse pour le rappeler à l'ordre. Une altercation s'ensuit et le jeune homme reconduit dehors la vieille femme, qui semblait ne rien comprendre à la scène. Elle n'a pas voté. Dans la ville de Tizi Ouzou, en fin de journée, c'est le calme plat. A l'école Les Genêts, les 4 bureaux de vote ont enregistré uniquement 142 votants sur 1860 inscrits. Le chef de centre était pessimiste quant au taux de participation. Dans les centres urbains comme dans les zones rurales, la forme des bulletins de vote a joué des tours à plus d'un. Sans signe distinctif, le bulletin a sanctionné d'abord les illettrés. Il faudra attendre 2007 pour des élections locales plus claires. C'est du moins l'espoir des électeurs et des candidats.