Al-Masriya, Al Jazeera, aller-retour, mais que se passe-t-il donc en Egypte ? Pour la première, le calme est revenu depuis longtemps, les jeunes Egyptiens sont les plus intelligents du monde et refusent la violence. Pour la seconde, le peuple égyptien a reçu 5/5 l'appel tunisien. Al Masriya diffuse un plan fixe d'un pont désert. Al Jazeera multiplie les duplex, le chef de l'opposition El Baradei prend un bain de foule. La guerre des images a commencé. La télévision d'Etat diffuse un déroulant appelant les Egyptiens à rentrer chez eux, le couvre-feu est en vigueur depuis plus de cinq heures. Al Jazeera multiplie les flashs : des dizaines de milliers de Cairotes convergent vers la place Tahrir. Le ton s'envenime entre les deux chaînes. Al Masriya donne la parole à des passants nationalistes qui s'en prennent à la chaîne Qatarie. « Nous ne voulons pas de télévisions étrangères, elles mettent notre pays à feu et à sang. Il faut interdire Al Jazeera », s'emporte une quadragénaire voilée. Images floues sur le carré droit de l'écran de cette dernière. On ne distingue pas grand-chose, un mouvement de foule sur un terrain en escalier. Le déroulant est plus explicite. Urgent : des centaines de personnes essaient de prendre d'assaut la télévision publique malgré la présence de l'armée. Vite, retour sur Al Masriya. Toujours le même pont, avec la nuit qui tombe. La présentatrice enchaîne des interviews avec des officiers des forces de l'ordre. Avant chaque question, elle présente ses excuses. Politesse exagérée ou perte de self-control ? « Excusez-moi, comment pouvons-nous convaincre les citoyens à respecter chez eux ? », lance-t-elle à un visage invisible, au téléphone. « En respectant le couvre-feu », la tance une voix rocailleuse. Elle reprend l'antenne et s'adresse directement à la caméra : « vous avez entendu, les forces armées vous, nous, rappellent qu'il faut respecter le couvre-feu. Tout contrevenant sera sévèrement puni ». Al Jazeera : images pixélisées de la foule sur la place Tahrir. Un correspondant au téléphone s'extasie de la résistance du peuple égyptien, le ton n'est pas loin d'un commentateur sportif. Pause sur I-Télé, l'envoyé spécial est duplex. Sur le balcon de sa chambre ? Sur la terrasse de son hôtel ? Le plan est trop serré. Y a-t-il du monde dans les rues du Caire ? Le correspondant s'embrouille et ose timidement : « les gens commencent à rentrer chez eux, il est tard ». Vérification sur Al Jazeera. La place Tahrir est noire de monde. Al Masriya ne confirme rien. La présentatrice, la même, yeux en amandes, égrène nom, prénom, adresse, employeur, adresse des employeurs des personnes arrêtées pendant le couvre-feu. A l'écran, de jeunes personnes, pour la plupart ne dépassant pas les 20 ans. Ils sont présentés comme des « moukharibine », des délinquants. Souvenirs, souvenirs, d'une autre télé, d'un autre pays. A suivre.