Tel-Aviv refuse la chute du régime de Hosni Moubarak. Il l'a fait savoir à Washington et aux Etats membres de l'Union européenne. Pour Israël, ces puissances économiques et militaires peuvent contourner la volonté du peuple égyptien d'en finir avec le dictateur du Caire. L'Etat hébreu craint que l'accord de paix signé avec le grand voisin du sud-ouest tombe à l'eau et fragilise sa sécurité, érigée en principe sacré de la diplomatie moyen-orientale. La situation instable en Jordanie, l'autre pays signataire d'un accord de paix avec Israël, trouble les calculs des stratèges de Tel-Aviv. Shimon Peres, président d'Israël, a estimé que Moubarak a commis des erreurs. «Mais il est le meilleur garant de la paix», a-t-il soutenu. Hier, Benjamin Netanyahu, Premier ministre, est sorti de sa réserve pour prédire «une issue iranienne» à la crise en Egypte. Même si tous les indices prouvent le contraire, Netanyahu a estimé que l'Egypte deviendra une République islamique dans le cas d'un «chaos» et de l'émergence «d'un mouvement islamiste organisé» qui «prendrait le contrôle de l'Etat». Ce scénario catastrophe a été déjà évoqué durant les troubles en Tunisie. Silvan Shalom, vice-Premier ministre israélien, avait dit que la chute du régime de Ben Ali pouvait laisser place à un pouvoir islamiste. Des prévisions fausses puisque la transition engagée en Tunisie ne semble pas aller dans le sens des islamistes. Pour le cas égyptien, les Israéliens demeurent encore prudents. «Il est exact que l'Islam extrémiste n'est pas à l'origine de l'instabilité. Ce n'était certainement pas le cas en Tunisie, et je ne pense pas que cela soit le cas en Egypte», a déclaré M. Netanyahu devant la chancelière démocrate-chrétienne allemande Angela Merkel, en visite en Israël. La prétendue thèse du «chaos» est curieusement mise en avant par la plupart des médias et des experts occidentaux. Certains analystes européens s'étaient complètement trompés sur la situation en Tunisie au moment des émeutes. Erreurs reconduites pour le cas égyptien. On ne laisse même pas le temps à la population égyptienne de choisir son destin qu'on agite déjà «le danger».La paix repose-t-elle sur le maintien des dictatures ? Les islamistes ont-ils réellement toute cette puissance pour prendre le pouvoir ? Si tel est le cas, vont-ils fatalement déclarer la guerre à Israël ? «Les prochains jours s'annoncent cruciaux pour la capacité de survie du régime Moubarak. Une prise du pouvoir par l'armée est un scénario plausible. Les Israéliens craignent par ailleurs la propagation à la Jordanie dont les Frères musulmans ont dirigé des émeutes contre le royaume hachémite. Dans un scénario catastrophe, Israël pourrait se retrouver entièrement encerclé d'ennemis comme en 1967», a prédit le journaliste israélien Jacques Benillouche sur le site web Slate. Les documents compromettants diffusés récemment par Al Jazeera sur les négociations de paix israélo-palestiniennes vont compliquer davantage la mission de Tel-Aviv, mais aussi celle de Washington. Sauf que l'éventuel successeur de Moubarak pourrait ne pas remettre en cause tout ce qu'a été fait depuis l'époque de Sadate avec Israël. Au-delà des aspects politiques, les militaires israéliens craignent une probable ouverture permanente du passage de Rafah, entre l'Egypte et Ghaza. A leurs yeux, la suite d'un «réarmement» du Hamas sera un nouveau casse-tête à prendre en charge. Le contrôle du Canal de Suez, passage obligé des marchandises et des hydrocarbures entre l'océan Indien et la Méditerranée, est également évoqué avec inquiétude tant à Tel-Aviv qu'à Bruxelles et Washington. Hier, le secrétaire général de l'OPEP, Abdallah Salem El Badri, a prévenu contre «le blocage des routes stratégiques du pétrole» dans le cas de l'aggravation de la situation en Egypte. Une situation qui, selon lui, provoquerait une pénurie du brut sur le marché et une hausse des cours. Dernièrement, des découvertes de gaz en Méditerranée orientale ont créé une grave crise entre l'Egypte et Israël. Une crise similaire existe déjà entre Tel-Aviv et Beyrouth. Le Caire a clairement déclaré avoir des droits sur ces gisements offshore. Ce qui a été peu apprécié par l'allié américain…