Les dirigeants du mouvement palestinien Hamas disent faire confiance à la Turquie pour plaider leur cause devant les instances internationales. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a dans une déclaration à la chaîne qatarie Al Jazeera confirmé cette évolution politique et dit que son pays était prêt à transmettre toutes les demandes de Hamas à l'ONU. Mohamed Nezzal, dirigeant à Hamas, établi à Damas, a confirmé les contacts et s'est déclaré ouvert aux propositions du Qatar. Première victime de ce changement important, l'Egypte. Le Caire, qui avait négocié la trêve entre le mouvement de Khaled Mechâal et Tel-Aviv, assiste à la fin de son rôle de médiation. Ankara, sans doute par courtoisie, veut associer le Caire aux futures démarches diplomatiques. Mais le fait est là. L'axe arabe dit modéré, représenté par l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Jordanie, perd du terrain. Les manifestations populaires, qui se sont déroulées dans plusieurs pays arabes et musulmans, ont dénoncé l'attitude du régime de Hosni Moubarak face au drame de Ghaza, surtout avec la fermeture du passage de Rafah. Un passage maintenu en grande partie fermé durant le blocus imposé par Tel-Aviv à la bande de Ghaza ces six derniers mois et dont la conséquence est le manque de médicaments et de nourriture pour les civils. Avant le lancement de l'opération militaire « Oferet yetsouka » (« Plomb durci » en hébreu), la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est allée au Caire pour annoncer « la nouvelle » au président Moubarak. Comportement largement dénoncé dans le monde arabe. Mal calculée, cette initiative est, tout compte fait, une immense bévue d'Israël qui a livré à la vindicte populaire son principal allié dans la région et qui l'a complètement dénudé. Au point que plusieurs intellectuels et politiques égyptiens, soutenus par la rue, demandent l'annulation de l'accord de Camp David et la fermeture de l'ambassade d'Israël. Le silence troublant d'Obama Même la Jordanie voisine, liée par un accord de paix avec Israël, s'est mise à douter des ses relations avec l'Etat hébreu. La presse jordanienne, comme Al Doustour, parle de « guerre d'extermination » à Ghaza. Face à la pression de la rue et à la colère grandissante, Aman, par la voix de son Premier ministre, a menacé de reconsidérer ses rapports avec Israël. La vague s'est étendue en Mauritanie, qui entretient des relations diplomatiques avec Tel-Aviv et qui vient de rappeler son ambassadeur en signe de protestation contre les bombardements des civils à Ghaza. L'opposition mauritanienne fait campagne depuis plusieurs jours pour fermer la représentation diplomatique à Nouakchott. Ces réactions sont le signe évident que la stratégie de Tel-Aviv a échoué sur le plan politique en déstabilisant toute l'architecture d'alliance bâtie ces vingt dernières années. Même la Turquie, qui a pourtant un accord stratégique avec Israël, a prévenu que l'offensive actuelle sur Ghaza aura des conséquences sur les relations entre les deux pays. Le soutien clair et sans conditions des Etats-Unis à cette agression, qui viole d'une manière claire les conventions de Genève, n'a fait que compliquer les choses. Le silence curieux du nouveau président américain, Barak Obama, a d'ailleurs pour effet de rendre la situation plus opaque. Barak Obama, crédité d'un immense capital sympathie dans le monde arabe et musulman après son élection, a perdu une grande partie de sa crédibilité dans cette région bien avant son investiture ! Fera-t-il comme si de rien n'était en élaborant de « nouveaux projets » pour le Moyen-Orient ? Avec qui va-t-il travailler ? Avec un axe arabe modéré en hors course ? S'appuyer sur la Syrie en mettant de côté l'étiquette d'« Etat voyou » qui lui est collée par le Département d'Etat ? La France, en quête permanente d'un rôle diplomatique au Moyen-Orient, mais qui n'arrive pas à trouver ses marques, tente de « trouver une solution ». D'abord, sous couverture européenne. Mais là aussi, il y a un couac. La Tchéquie, dont le président est eurosceptique et qui vient de prendre la présidence de l'Union européenne (UE) n'a pas hésité à considérer l'offensive israélienne contre les territoires palestiniens de « légitime défense ». Position revue après la pression des autres capitales du vieux continent. L'action extérieure de l'UE est désormais marquée de soupçons. Nicolas Sarkozy, qui a « la confiance » d'Israël, selon son entourage, est en déplacement dans la région. Il a commencé sa tournée par Le Caire comme pour « relancer » le rôle de l'Egypte dans un « processus de paix » au point mort. La dynamique turque est plus rapide, probablement plus efficace, que celle de la France dans la région. Recep Tayyip Erdogan a déjà effectué une visite en Syrie, en Jordanie et en Arabie Saoudite. Il coordonne ses actions avec le Qatar, un pays très entreprenant sur le plan diplomatique et, à un degré moindre, avec l'Egypte. La Turquie, pays musulman qui s'impose comme une force régionale écoutée à Damas, au Caire, à Riyad, à Tel-Aviv, à Ramallah, est respectée par le Hamas. La Turquie pourra jouer le rôle de médiateur interarabes et interpalestiniens. Ce n'est pas le cas pour la France. Reste le casse-tête du Hamas. Avec ce mouvement politique, la négociation sera incontournable. Les termes guerriers utilisés par les responsables israéliens, en pleine campagne électorale, ne changeront rien à la donne. Surtout que sur le plan militaire, dix jours après le lancement de l'opération « Plomb durci », celle-ci ne semble pas avoir donné de résultats, sauf à augmenter chaque jour le nombre des victimes parmi les civils palestiniens et à vider le sud d'Israël, cible des roquettes du Hamas.