Le directeur général de la Société de gestion des valeurs boursières (SGVB), Makhlouf Rahni, met en garde contre les inconvénients d'une cotation d'une obligation pour le grand public hors bourse. D'après lui, les banques qui assistent les entreprises émettrices risquent d'enfreindre les règles prudentielles. Il estime également que le marché obligataire dans ce cas est non réglementé et manque de transparence. D'où la nécessité de coter les obligations en bourse. Arguments. Pourquoi suggérez-vous aux entreprises qui ont recours à l'emprunt obligataire de coter leurs obligations en bourse ? Il est important qu'une obligation soit cotée en bourse dans un marché primaire et secondaire, car c'est une question de confiance. Lorsqu'un titre est coté en bourse, son cours est défini par des règles qui échappent à des faits subjectifs. Ce sont des règles précises, techniques, qui tiennent compte de l'offre et de la demande. En ce qui concerne les entreprises qui viennent d'émettre des emprunts obligataires dans le grand public, ce dernier est en droit de savoir à quel prix il peut acheter et à quel prix il peut vendre bien à l'avance. Les cours de la bourse sont diffusés à travers la presse, le bulletin officiel de cote (BOC) ou les intermédiaires des opérations boursières (IOB). Le grand public a donc la possibilité de savoir la valeur de son titre. Tandis que dans ce cas, il va s'adresser à un guichet de banque sans connaître le prix qui sera fixé par ce guichet. Il peut être grugé. Comment ? On sait - c'est une règle connue des financiers - que quand les taux d'intérêts chutent, le prix d'une obligation monte. Prenons le cas de Sonelgaz qui au moment où elle a émis son obligation, les taux d'intérêts étaient de 4, 5 jusqu'à 7% en dernière année. Aujourd'hui, pour l'émission d'Algérie Télécoms, ils sont seulement de 3 à 4%. Les taux d'intérêts vont baisser, donc la valeur de l'obligation de Sonelgaz va être plus importante car elle prend en compte le différentiel. A partir de là, il peut y avoir confusion au niveau des guichets de banque où le titre peut être racheté à l'épargnant à la valeur de l'émission alors qu'il coûte beaucoup plus cher. Pour éviter ces problèmes qui peuvent rejaillir sur la société émettrice, il faut que le titre soit coté de manière transparente, qu'il y ait beaucoup de transactions sur ce titre. Il convient de ne pas se placer dans une conjoncture de facilité. Il est vrai que les banques sont dans une situation de surliquidités, ce qui permet de lever facilement l'argent. Mais elles peuvent se retrouver en difficulté. Vous avez déclaré que les banques pourraient être amenées à enfreindre les règles prudentielles. Dans quel cas ? La BNA a affirmé être en mesure de racheter toute l'émission de Sonelgaz qui est de 15 milliards de dinars. Si tous ceux qui ont acheté veulent vendre aujourd'hui, la BNA qui s'est engagée à les racheter devra tenir son engagement. Avec un tel montant, elle ne peut que violer les règles prudentielles. Les banques, en vertu de ces règles, c'est-à-dire le ratio de division des risques, ne peuvent pas placer tout dans un seul panier. Car si elle rachète elle-même toute l'émission de Sonelgaz, elle se retrouvera détentrice d'une créance sur cette entreprise. Ce qui est beaucoup pour elle car les règles prudentielles lui permettent de mettre deux, trois voire cinq milliards de dinars, mais pas plus. Le fait que l'emprunt obligataire de Sonelgaz s'est passé de la Bourse présente des dangers. La BNA est dans ce cas de figure accompagnateur d'émetteur, elle est aussi IOB (intermédiaire en opération de bourse), elle fait les cotations et est acheteur de titre. Or ce sont des fonctions incompatibles. Il n'y a eu que Sonatrach qui a coté son obligation en bourse... L'expérience Sonatrach a été une réussite. On a eu deux périodes avec Sonatrach. Lors de la première période, l'obligation n'était pas cotée en bourse, qui n'était pas encore opérationnelle. C'est donc une raison objective. A un moment donné, les titres étaient cotés par un comité de cotation chapeauté par la COSOB quand même. Il y avait une autorité qui y jetait un coup d'œil. Elle a ensuite été cotée en bourse. Le volume des transactions a augmenté. Comment expliquez-vous le fait que les entreprises qui ont émis des obligations ne l'ont pas fait via la bourse ? C'est une question de culture financière. Les gens n'ont pas encore mesuré l'intérêt que présente la cotation d'un titre même obligataire qui est remboursé à échéance. Lorsqu'un titre est coté en bourse de manière transparente, toutes les semaines, il y a une cotation du titre qui sera rendue publique, notamment dans la presse. Donc le public sera tenu au courant. C'est déjà une sorte de publicité pour la société émettrice. Les titulaires d'obligations peuvent vendre et acheter facilement. Ainsi, quand l'émetteur veut lever de l'argent, il trouvera un terrain propice et disposé à lui faire confiance, car le titre a bien marché. Ne pensez-vous pas que les réticences de ces entreprises viennent du fait que la Bourse d'Alger ne soit pas dynamique ? On peut coter l'emprunt obligataire. L'expérience de Sonatrach nous a montré que, contrairement à ce qu'on pouvait penser au départ, le volume des transactions est plus important quand l'obligation est cotée en bourse que lorsqu'elle est hors bourse. Les chiffres étaient dix fois plus élevés. La bourse a un grand apport. Elle est en mesure de coter l'obligation de Sonelgaz. Que dit la législation sur le sujet ? Il n'y a aucune législation qui oblige un émetteur d'une obligation de la coter en bourse. C'est pour cela que j'insiste sur l'intérêt d'une telle opération et les avantages qu'elle procure. Evidemment, ce ne sont pas les réglementations qui font bouger les gens, mais les intérêts. La législation ne l'interdit pas non plus. Si l'émetteur va vers un marché qui n'est pas réglementé, cela peut aboutir à un mini-scandale ou des problèmes qui, même s'ils ne concernent pas directement l'entreprise émettrice, peuvent nuire à son image de marque. Où en est votre projet de procéder à des privatisations à travers la bourse ? Il y a onze entreprises qui sont concernées par ces privatisations. Ce sont des opérations lourdes et elles sont en chantier. Certaines sont en cours d'évaluation. Mais il n'y a pas encore de timing précis au niveau de la bourse. Mais quelques-unes devraient entrer en bourse en 2006.