Alger étouffe sous le déploiement policier. Jamais la capitale n'a connu une telle descente, une telle exhibition des forces de police, non pas pour rétablir un quelconque ordre, mais pour faire peur au petit peuple à la veille de la marche décidée par la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). On ne savait pas qu'une manifestation pacifique, à laquelle ont appelé la société civile et des partis politiques, faisait autant peur ? Il n'est pas une ruelle à Alger qui ne soit quadrillée ! Une véritable démonstration de force qui donne plutôt une piètre image d'un pouvoir prompt à réprimer toute expression pacifique que de libérer la voie aux aspirations populaires. La manière avec laquelle il se prépare à réprimer la manifestation d'aujourd'hui le condamne plus qu'elle ne lui assure la survie. Mobiliser une vingtaine de milliers de policiers pour empêcher une marche sur laquelle on a parié qu'elle ne rassemblerait pas plus d'une centaine de personnes qu'on n'a pas cessé de vouer aux gémonies dans les médias publics n'est pas sérieux. Plus qu'un refus d'admettre que les Algériens ont parfaitement le droit d'exprimer leur opinion ou leurs revendications de la manière qu'ils jugent utile pour peu qu'elle soit pacifique, les autorités s'enferment dans un entêtement pernicieux qui pourrait rajouter un supplément de pression à une situation déjà explosive. En témoignent d'ailleurs les émeutes qui éclatent un peu partout sur tout le territoire national, les immolations par le feu et les autres tentatives de suicide. Un pouvoir qui n'est pas interpellé par une telle situation, préférant esbroufer sur des mesures sociales aléatoires et optant pour la répression totale prend le risque incongru et périlleux de voir les événements le dépasser. Dans le désordre. Le pouvoir semble ne pas prendre la mesure du vent de révolte qui souffle sur le monde arabe, en s'obstinant à ne pas se réformer après avoir remis en cause tous les acquis ou presque arrachés de haute lutte par les Algériens. Pour le bon sens, réprimer comme il se prépare à le faire aujourd'hui la marche d'Alger ne serait guère une solution contre une demande s'exprimant de manière pacifique et ordonnée. Plus qu'une urgence, répondre aux aspirations démocratiques formulées, comme cela n'a jamais été, par les Algériens est un acte patriotique. Et plutôt que de bloquer l'avènement d'une alternative démocratique et de préparer le lit aux dérapages dont personne ne peut prévoir les conséquences, ce qui est le cas jusqu'à ce jour, les tenants du pouvoir devraient admettre que la manière dont a été géré le pays a atteint ses limites. Elle est même allée au-delà. Le couple prédation-corruption et répression a installé l'Algérie dans une précarité permanente. Alors, ordre ou désordre ?