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12e Journées théâtrales de Carthage
Tunisie Anarchie, ou le naufrage du sentiment
Publié dans El Watan le 30 - 11 - 2005

Leurs douleurs sont celles de l'absence. De toutes les absences du repère amoureux, sur une scène plongée dans le gémissement, elles ne se parlent pas entre elles. Elles se chamaillent, chacune individuellement avec son corps. Elles ne cohabitent pas avec l'ennui, elles le ressassent comme une complainte.
« Pourquoi le monde est si mal pour moi ? », dit l'une face au public de la salle du théâtre municipal de Tunis. Elle aurait pu dire « Pourquoi, elle et pas moi ? ». Elles sont six artistes dans une comédie noire signée par le metteur en scène Abdel Moneim Amairi de la compagnie du théâtre national syrien. Six personnages évoluent dans un espace haletant, sombre, effervescent. Le style de jeu est volontairement inélégant envers les formes du théâtre conventionnel, car les parcours interprétés par Nesrine, Ziana, Nihel, Soulef, Janabi et Nidhal ne sont pas conventionnels. Les rôles appartiennent au camp des défavorisés du cœur. Assises sur six chaises raides ou debout derrière des persiennes qui ne laissent jamais passer la lumière de l'espoir, elles subissent la dure réalité de vieillir et de vieillir encore dans un univers qui ne croit pas aux lois du partage du bonheur. Le choix du délire comme mode d'expression leur sert d'exutoire puéril, de dernière bouée de l'échec, car elles savent que plus rien ne leur sera proposé dans un monde normé, standardisé, irréversiblement hypocrite. Présentes pour raconter leurs déboires en monologues, elles ne terminent jamais leurs phrases, parce que la schizophrénie est là pour leur proposer son monde hallucinant et parce que tout autour le vent répond au vent. « Comptez le nombre incalculable de rêves brisés », dit en larmes une autre dans une mise en scène mise au service de l'argumentaire des horizons bouchés. Ce n'est pas le réquisitoire qui domine, mais le direct de l'effeuillage de soi en toute transparence de nos sous-entendus et nos constructions mentales préconçues. La musique de scène, le septième personnage, est empruntée aux airs populaires du pays du Gange. Elle accentue la pression. Elle est forte, rythmée, plaintive, polyphonique comme le sont les interrogations de ces femmes qui ne savent vraiment dialoguer que par la grimace. Etres de l'échec, les personnages sont cyniques dans leur solitude, provocateurs dans le naufrage. Finalement, les femmes de Anarchie sont droguées de manques. Elles évoquent leur condition humaine et quelque part celles des autres, par petits bouts, grâce à des débris sentimentaux. Coriaces dans la traduction de leur situation de marginales, elles demandent entre deux répliques explicitement exprimées, à être dépendant de quelqu'un, de quelque chose qui ressemble à de l'amour. Elles sont six destins irrémédiablement fâchés avec ce qui peut ressembler à la quiétude. Elles le disent pour appuyer sur la détresse qui les habite jour et nuit, le jour un plus que la nuit parce qu'elles n'ont pas le prétexte du sommeil et parce qu'elles croisent le regard de l'autre dans ce patio-prison où tous les faits et gestes constituent les chaînons du marasme intérieur. Leur corps de femmes, moulé dans des robes noir-gris, quitte régulièrement leur féminité pour de pathétiques et incertaines rencontres avec l'absent. Dans Anarchie, il n'y a ni impudeur à dévoiler son désert sentimental face aux interdits, ni de faux semblant aux dogmes irréversiblement figés. Les six femmes, en quête de rien si ce n'est du pourquoi de leur condition, n'hésitent pas une seconde à dire leur assèchement affectif. Elles n'ont aucune honte à montrer des physiques ennuyés et insupportablement témoins. Leur tord, c'est d'être nées dans la périphérie pauvre du bonheur ; et ce bonheur, elles le veulent marqué d'amour... l'amour d'un père mal-aimant, d'un fiancé parti faire la guerre la veille de sa nuit de noces, d'un époux qui ne peut aimer sinon sa virilité en prendrait un coup. Les six comédiennes atteignent la pleine maturité de leur art dans ce spectacle expérimental, un spectacle qui a remporté le grand prix du dernier festival du Caire consacré à ce genre. Dans Anarchie, on retrouve les relents et autres parfums de La maison de Bernarda Alba de l'immense Garcia Lorca. En partie héritage et cela ne peut que nous conforter dans notre conviction que le théâtre, art de l'éphémère par excellence, à travers les âges, est avant toute chose une somme d'expériences et d'accumulations.

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