Le débat sur la question du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui est plus que d'actualité ces jours-ci en Europe. Deux rencontres ont eu lieu, mercredi et jeudi à Bruxelles, dans le but de sensibiliser l'opinion européenne sur les dérives, bien entendu, du pouvoir marocain, mais aussi sur la passivité, voire la complicité de la commission européenne dans le pillage des ressources économiques naturelles du Sahara-Occidental. Mercredi dernier, l'intergroupe parlementaire belge « Paix pour le Sahara » a organisé, à la Maison des parlementaires, un débat en présence de la présidente de l'intergroupe européen, l'Autrichienne Karine Scheele, sur le dernier accord de pêche que l'UE vient de signer avec le Maroc, et dans lequel le gouvernement marocain inclut, de fait, l'espace maritime sahraoui. Même si l' accord signé en juillet dernier ne sera effectif qu'après sa ratification par les parlementaires, ainsi que son adoption par le conseil de l'UE, des sénateurs, députés et associations de soutien au peuple sahraoui, tirent la sonnette d'alarme et dénoncent cette atteinte au droit international et aux droits humains des Sahraouis. Le sénateur belge Pierre Galant et Pierre Mathy, professeur de droit international à l'université de Bruxelles, ont, dans une lettre adressée le 5 octobre au commissaire européen J. Borg, estimé que « la signature d'un tel accord, en violation du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui, constitue une forme indirecte de soutien politique et de caution apportés par la commission européenne à la prolongation par le Maroc de son occupation illégale et à la poursuite de son exploitation des ressources halieutiques de ce territoire, à son profit et à celui de l'UE et de certains de ses Etats membres en particulier. » Et d'ajouter : « C'est pourquoi nous entendons participer au combat démocratique mené contre l'approbation par les instances compétentes de l'UE d'un tel accord. » La mobilisation des élus et des démocrates contre une telle injustice va, selon beaucoup d'observateurs, être plus intense, dans la mesure où le pouvoir marocain joue sur des ambiguïtés sémantiques dans les termes de l'accord. « Les eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction du royaume du Maroc » est-il énoncé dans l'article 2 de l'accord. Et le commissaire européen chargé du dossier de répondre : « L'accord en lui-même ne fait aucune référence au Sahara-Occidental. » Le problème c'est que le Maroc considère que le Sahara-Occidental fait partie intégrante de son territoire. Les parlementaires n'ont pas manqué, par ailleurs, de dénoncer les atteintes aux droits humains au Sahara occupé et l'interdiction faite par les autorités marocaines aux ONG et missions indépendantes qui souhaitent se rendre sur place. Jeudi, c'est l'association belge Pax Christi qui a organisé une rencontre sur la situation au Sahara-Occidental. Sous le thème « Pour ne pas oublier », les organisateurs ont invité Jean-Luc Onckelinx, représentant de l'ONU auprès de l'UE, Jacinta De Roeck, sénatrice, présidente de l'Intergroupe parlementaire pour le Sahara-Occidental et Francis Schwan, d'Amnesty International de Belgique, qui ont, tour à tour, exposé et rappelé devant un bon nombre de journalistes et d'intellectuels, l'histoire séculaire du Sahara-Occidental, la chronologie des événements qui ont conduit à son occupation par le Maroc et son opposition à tout dialogue de raison pour une solution juste au Sahara-Occidental. Les invités ont été surpris d'apprendre, par M. Schwan par exemple, l'existence d'un traité entre le Maroc et l'Espagne, datant de 1789, dans lequel le sultant du Maroc reconnaissait n'avoir aucun lien avec le Sahara d'aujourd'hui. Pis, la frontière de son royaume se situait sur l'oued Noun, soit à quelque 300 km au nord du Sahara d'aujourdhui. Mme De Roeck, quant à elle, a relevé que le Palais royal réserve près de 10% de son budget à l'implantation de ses colonies, alors qu'il abandonne dans la misère une bonne partie du nord du pays. De plus, répondant à une question relative à l'accord de pêche signé avec l'UE, la sénatrice a relevé qu'un nombre important de pays de l'Union ne sont pas d'accord et dénoncent justement cette injustice. Il s'agit par exemple de l'Allemagne, du Danemark, de l'Irlande. Mohamed Sidati, membre de la direction du Polisario et délégué auprès de l'UE, qui a assisté aux débats, a tenu à remercier les organisateurs et saisi l'occasion pour rappeler le nombre important de résolutions des Nation unies, en particulier celle du Conseil de sécurité, foulées aux pieds par le pouvoir marocain, au détriment de la légalité internationale. « Nous avons fait énormément de concessions pour préserver la paix. Le Maroc a renié ses propres engagements devant la communauté internationale. Que pouvons-nous faire de plus ? », s'est-il interrogé.