El Gueddafi veut, selon toute vraisemblance, isoler la Libye le temps de rétablir «l'ordre». En tout cas, il ne paraît plus du tout s'accommoder de la présence de la presse sur le territoire libyen, surtout que plus tard celle-ci peut s'avérer être un témoin gênant. C'est ainsi que pour limiter les allers et venues des journalistes, il vient d'imposer un visa d'entrée en Libye à tous les étrangers. Cette mesure s'applique également aux ressortissants maghrébins qui étaient jusque-là dispensés de visa. Ce n'est pas tout. Pour être sûr de n'avoir personne dans les jambes, Mouammar El Gueddafi a ordonné également aux ambassades qui lui sont restées loyales de ne délivrer aucune autorisation d'entrée en Libye. Et cela jusqu'à nouvel ordre. «Pour le moment tout est bloqué. Nous ne pouvons autoriser personne à y aller (en Libye, ndlr). C'est trop dangereux. Nous sommes nous-mêmes coincés ici», a déclaré hier un employé de l'ambassade de Libye à Alger. La situation des journalistes présents à Tripoli n'est d'ailleurs pas très enviable non plus dans la mesure où la police politique du dictateur libyen a aussi reçu l'ordre de limiter au maximum leurs déplacements et d'épier leurs moindres faits et gestes. Les 130 reporters qui ont rejoint la Libye durant les tout premiers jours de l'insurrection se sont notamment vus interdire de quitter les hôtels où ils sont descendus lors des «sorties organisées» par les soins du ministère libyen de l'Information. Ces derniers jours, ils n'ont également pas pu avoir accès à Internet qui est coupé depuis le 3 mars dernier. Les choses ne s'en sont pas arrêtées là. Le porte-parole du gouvernement, Moussa Ibrahim, s'y est mis de la partie et a menacé d'arrêter tous ceux qui sortiraient sans autorisation. Les hommes d'El Gueddafi ont d'ailleurs très vite montré qu'ils ne plaisantaient pas. En effet, plusieurs journalistes ont été arrêtés samedi en tentant de rallier Zawiyah, à l'ouest de Tripoli. Ils ont été retenus 7 heures durant. Dans un communiqué rendu public hier, Reporters sans frontières (RSF) juge inacceptable la multitude d'entraves au droit d'informer mises en œuvre par le régime depuis le début du soulèvement populaire à la mi-février afin d'imposer un black-out médiatique sur les exactions dont est victime la population civile.Depuis le début de la révolte, le 15 février, dans l'est du pays, les autorités libyennes dénoncent la couverture de ces événements sanglants par la presse étrangère, l'accusant d'exagérer leur ampleur et d'avoir pris fait et cause contre le régime. Les critiques s'adressent surtout aux chaînes satellitaires arabes. Des chaînes qu'El Gueddafi a déclaré indésirables en Libye. A ce propos, RSF rappelle que le signal du satellite Nilesat, diffusant entre autres les chaînes Al Hurra, Al Jazeera et Al Arabiya, est brouillé depuis le 23 février.