Etait-ce le nombre, la qualité des manifestants ou un autre paramètre qui ont fait que les gardes communaux, qui ont battu le pavé mardi à Alger dans une imposante marche, ont réussi à forcer, sans coup férir, le dispositif de sécurité mis en place et à faire parvenir leurs doléances au président de l'APN, Abdelaziz Ziari ? Alors que les marches successives organisées à Alger à l'initiative de la Commission nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) depuis ces dernières semaines ont toutes été émaillées d'incidents, de provocations et traitées de façon musclée par les forces de sécurité, la marche des gardes communaux semblait avoir bénéficié d'une espèce de tacite bienveillance de la part des pouvoirs publics. Contrairement aux premières marches de la CNCD où les autorités ont multiplié les goulots d'étranglement pour empêcher les sympathisants de la coordination de l'intérieur du pays d'accéder à Alger décrétée Zone interdite, les milliers de gardes communaux, qui ont afflué vers Alger, n'ont éprouvé aucune difficulté à se rendre à leur marche d'Alger. En dehors des lignes touchées par le mouvement de grève des cheminots, les trains n'ont pas cessé de circuler. Les bus et les taxis n'ont pas chômé. Pourquoi ce traitement de deux poids, deux mesures ? Dans un cas comme dans l'autre, on avait pourtant affaire à des marches interdites ! Le secret de la tolérance, dont a manifestement bénéficié la marche des gardes communaux, réside-t-il dans le feeling de ces hommes en bleu qui se sont mis sous l'aile protectrice de Bouteflika en inondant les carrés des marcheurs de portraits et de banderoles de soutien au président ? N'étaient les revendications socioprofessionnelles que l'on pouvait lire sur certaines banderoles brandies par les marcheurs, on aurait juré que la marche était dédiée à Bouteflika. Une situation que les policiers et leurs responsables hiérarchiques n'avaient pas prévue. A-t-on le droit de bastonner un manifestant qui exprime son soutien à Bouteflika ? Douloureux dilemme auquel furent confrontés les policiers et les responsables politiques et administratifs interpellés par cette marche quelque peu atypique. Des images qui nous rappellent les manifestations des pays du Golfe où les portraits des monarques sont hissés bien haut, tandis que l'on crie sa haine et son ras-le-bol contre le gouvernement rendu seul responsable des maux de leurs sociétés. Par les temps qui courent, on ne voit pas un chef d'Etat arabe qui n'apprécierait pas de voir son portrait trôner dans des manifestations publiques au milieu de ces clameurs qui s'élèvent de la vox populi arabe pour exiger le départ de leurs dirigeants. N'est-ce pas précisément ce genre de message que le président Bouteflika et son pré carré cherchent à répercuter à l'intérieur et à l'extérieur du pays ? Pour dire que la confiance et l'amour que voue le peuple algérien à son président sont intacts et que les responsables de la colère des Algériens sont à rechercher ailleurs. Question subsidiaire : les pouvoirs publics vont-ils, sans les autoriser, fermer les yeux sur les marches qui font du deux en un, qui ont un contenu revendicatif , socioprofessionnel tout en défendant le label présidentiel ? A l'opposé, tout indique que les marches politiques à Alger continueront encore pour longtemps à être frappées de suspicion et d'interdit ?