Les initiateurs de cette marche, à savoir la Cncd, prévoient de se réunir aujourd'hui pour décider de la prochaine démarche. Interdite par les autorités, empêchée par la police, la marche prévue hier à Alger n'a, finalement, pas eu lieu. Près de 3000 manifestants, selon les organisateurs et 250 selon le ministère de l'Intérieur, ayant rallié la place de la Concorde, ex-place du 1er-Mai, ont été empêchés de faire le moindre pas. Dès la matinée, jeunes, femmes, universitaires, personnalités politiques et artistiques ont répondu à la marche à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd). Parmi ces personnalités, on peut nommer Ali Yahia Abdenour, ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Saïd Sadi, président du RCD, Mustapha Bouchachi, actuel président de la Laddh, le chanteur Amazigh Kateb, le musicien-compositeur Safy Boutella, ainsi que d'autres réalisateurs et cinéastes. Au grand dam des marcheurs, l'impressionnant dispositif sécuritaire mis en place, a bouclé, puis bloqué les manifestants qui souhaitaient rejoindre la place des Martyrs. Il était 10h plus quelques minutes, lorsque les premiers groupes de manifestants commençaient à se rassembler à la place de la Concorde. Outre les policiers mobilisés sur les lieux, un hélicoptère des services de sécurité survolait le ciel d'Alger. Bien avant le début de la marche prévue à 11h00, des échauffourées ont failli éclater entre les marcheurs et les services de l'ordre. Les manifestants ont commencé à scander des slogans hostiles au pouvoir tels que «Algérie libre et démocratique», «Le régime dehors!», «Le pouvoir aux jeunes», «Hier, c'était l'Egypte et la Tunisie, demain ça sera l'Algérie». Devant une telle démonstration de force et une rhétorique enflammée, la police a procédé à des dizaines d'interpellations, hommes et femmes. Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales a évoqué, dans un communiqué, un chiffre de 14 personnes qui «ont été interpellées et immédiatement relâchées». Et d'ajouter que la police a également, interpellé un ressortissant franco-tunisien en possession d'une carte de photographe amateur travaillant pour le compte d'un organe de presse français. Comme de coutume, la police et les organisateurs s'adonnent, à chaque occasion, à une bataille des chiffres. Les organisateurs ont témoigné à la presse que plus d'une centaine de personnes ont été arrêtées. Ces nombreuses arrestations ont ciblé aussi bien les hommes politiques que les simples manifestants. C'est le cas d'un député du RCD, qui a été rapidement relâché et de Fodil Boumala, cofondateur de la Cncd. A l'heure initiale de la marche, les organisateurs commencent à se faire de plus en plus rares. Malmené, Me Ali Yahia Abdenour s'est vu obliger de quitter les lieux après quelques heures de résistance. C'est le cas de Saïd Sadi et de M.Bouchachi qui ont déserté les lieux, laissant le champ libre au cofondateur du parti dissous, le FIS, Ali Benhadj et ses partisans d'investir le terrain. Face aux slogans hostiles au pouvoir brandis par les marcheurs, une vingtaine de jeunes sont venus apporter leur soutien au président Abdelaziz Bouteflika, en scandant «Viva Bouteflika», «Bouteflika n'est pas Moubarak», «L'Algérie n'est pas la Tunisie ni l'Egypte». La tension a commencé à monter d'un cran entre les manifestants de la Cncd, les pro-Benhadj et les pro-président. En pleine place de la Concorde, les manifestants dénoncent la présence de Ali Benhadj dans cette marche en lui lançant «Dégage assassin», «Dégage terroriste». Ayant mal digéré cette réaction hostile, les partisans de Benhadj sont allés chercher l'affrontement avec les autres marcheurs. La situation a failli dégénérer, notamment, après que «les jeunes du quartier» s'en sont pris aux manifestants, en insultant les femmes présentes. Par crainte de débordement, M.Bouchachi a refait une brève réapparition et est venu s'adresser aux manifestants: «Votre message a été bien reçu. Le pouvoir en place a bien compris votre message. La mobilisation se poursuivra, mais pour garder le caractère pacifique de la marche et éviter tout débordement, je vous (manifestants, Ndlr), invite à rentrer chez vous.» Une déclaration mal reçue. Quelques manifestants ont tout de suite commencer à huer Me Bouchachi à la fin de sa déclaration, alors que d'autres se sont dispersés dans le calme juste après. En début d'après-midi, les jeunes «facebookistes» et les manifestants ont repris avec les slogans anti-pouvoir, et dans l'impossibilité de marcher, ont organisé un genre de sit-in. La foule commençait à devenir de plus en plus clairsemée, sans toutefois avoir réussi à percer le cordon de sécurité que forment les centaines de policiers en uniforme. En fin d'après-midi, les marcheurs se sont dispersés avec la frustration de ne pas avoir battu le pavé à Alger.