Ils étaient à peine une trentaine, mais leurs voix portaient très loin. Ils criaient, ils chantaient, certains portant le fameux tee-shirt estampillé au label LMG, brandissant des pancartes blanches sur lesquelles on pouvait lire en rouge et noir : «Libérez Mohamed Gharbi». Les animateurs du fameux LMG, le comité de libération du moudjahed de Souk Ahras, ont créé une action devant la prison de Babar (30 km au sud de Khenchela) où est interné Mohamed Gharbi depuis une dizaine d'années. L'action annoncée depuis plusieurs jours a pris quelques heures de retard, un retard qui a découragé d'autres militants venus de Biskra, Batna et d'ailleurs, pour soutenir la manifestation, mais qui n'a pas empêché la tenue du sit-in. Le cortège des manifestants est arrivé aux environs de 14h, tout de suite les jeunes qui ont fait le déplacement d'Alger, de Tizi Ouzou, de Annaba, de Guelma et de Souk Ahras se sont mêlés à la foule. Parmi eux des membres de la famille et des amis de Gharbi ont entamé leur action, donnant des couleurs à ce coin désertique et glacial. Khaled, l'un des animateurs du comité, explique l'objet de cette action : «On est là pour savoir quand est-ce qu'il va être libéré. Le président de la République a pris la décision de le gracier. Voilà 33 jours que le dossier a été déposé et la diya payée à la famille de la victime, et toujours rien.» Mohamed Gharbi, condamné à la peine capitale pour avoir tué un émir terroriste (gracié dans le cadre de la concorde civile) a bénéficié voici quelques mois, en effet, d'une grâce présidentielle qui lui permet une commutation de peine. Cependant, à ce jour, le concerné croupit dans sa cellule de prison. «On nous dit que c'est à cause de la procédure, quelle est cette procédure qui peut durer autant. Un jour de plus que les 10 ans qu'il a déjà purgé est un jour de trop», s'indigne encore Khaled. En effet, en dépit de la décision de grâce et le remplissage des conditions exigées pour la libération, notamment le versement de la somme d'un million de dinars, le juge d'application des peines au niveau de la cour d'Oum El Bouaghi de laquelle dépend l'établissement carcéral de Babar, n'a pas encore rendu sa liberté à Gharbi. Ceci dit, cette lenteur n'entame en rien la détermination des jeunes animateurs du comité. «Ça fait six mois que dure notre combat et nous sommes prêts à nous sacrifier pour continuer», conclut encore notre interlocuteur. A une centaine de mètres du portail de l'établissement pénitentiaire, Mohamed Gharbi, dans sa cellule, a peut-être entendu les chants des manifestants, mais lui ne semble plus avoir l'énergie pour supporter encore sa vie carcérale. «Je l'ai vu ce matin, il est très malade et commence à perdre ses facultés auditives. Il s'accroche à l'espoir de sortir le plus tôt possible pour terminer ses jours parmi les siens», affirme son fils aîné Yazid. M. Gharbi est malade, souffrant d'hypertension artérielle et de diabète. A cause de la bureaucratie, il est condamné à souffrir encore dans des conditions pénibles. Gharbi, le moudjahid et bête noire des terroristes islamistes durant les années 1990, est devenu l'icône d'une jeunesse qui refuse les inconséquences de la réconciliation version Bouteflika et la sanction d'authentiques patriotes au profit d'un compromis signé entre le pouvoir et les islamistes. Hier, les manifestants n'ont pu voir des responsables à Babar, mais ils prévoient d'ores et déjà le 15 mars, un autre sit-in, prévu cette fois devant le siège du ministère de la Justice.