Le domaine des révocations et démissions des dirigeants sociaux fait partie des sujets qui ne suscitent pas beaucoup d'intérêt dans les cercles économiques. Pourtant, il constitue un baromètre important dans la gouvernance des sociétés. Il est vrai que toute comparaison avec ce qui se passe dans les pays libéraux est inappropriée en raison tout simplement de l'inexistence d'un marché transparent des managers d'entreprise. Il se trouve cependant que la révocation des dirigeants sociaux de sociétés est réglementée le plus souvent de façon précise par le législateur. En effet, les dirigeants et mandataires sociaux de sociétés sont révocables ad nutum, c'est-à-dire en cours de séance. La démission quant à elle ne fait pas l'objet d'une attention particulière dans le droit des sociétés. Même les statuts ne pallient pas à cette vacuité des textes. Et c'est normal parce que dans la quasi-totalité des cas, les chartes statutaires reproduisent in extenso les dispositions législatives qui encadrent l'organisation et le fonctionnement des sociétés. Comment comprendre et saisir alors dans ces conditions la démission d'un dirigeant de société, situation quelque peu rare dans nos entreprises. Plusieurs cas de démission peuvent se présenter. Il en est ainsi de la démission d'office, de la démission forcée, de la démission volontaire et de la démission subie. Dans le premier cas, elle intervient lorsque les membres du conseil d'administration perdent la propriété du nombre minimum d'actions fixées par les statuts ou en cas d'incompatibilité avec une autre fonction. Pour le deuxième cas, il faut préciser que celle-ci ne résulte pas de la volonté du dirigeant. Elle s'apparente à une démission - révocation qui peut être la résultante d'un comportement délictueux. La démission volontaire est certainement la plus avantageuse pour les dirigeants dans la mesure où elle leur permet d'échapper, pour l'avenir aux responsabilités civiles ou pénales que la loi fait peser sur eux. Cette possibilité de démission est libre et elle peut être décidée à tout moment sans qu'il faille attendre l'expiration de la durée prévue du mandat. Seulement pour qu'elle soit régulière et sans équivoque, il faut que le dirigeant informe sa société . Le problème peut se poser pour les Sarl lorsque le gérant est unique. Dans cette configuration, le gérant doit informer chacun des associés et les convoquer en assemblée en vue de la nomination de son successeur comme il peut solliciter la nomination d'un administrateur provisoire. Dans les sociétés par actions, en cas de démission collective des administrateurs, celle-ci doit être portée à la connaissance de l'assemblée générale. Le conseil peut également requérir la nomination d'un administrateur judiciaire qui sera chargé de recevoir la démission et de convoquer une assemblée générale. Dans les sociétés par actions à formule dualiste, c'est-à-dire avec un conseil de surveillance et directoire, la même démarche peut être suivie sauf que le directoire doit pour sa démission se référer au conseil de surveillance. Les effets liés à la démission volontaire sont antagonistes en ce sens que dans un premier temps, elle permet d'assurer la protection du dirigeant et dans un deuxième temps, elle peut être pour lui une source de responsabilité. En effet, pour tous les actes postérieurs à sa démission, il se trouvera à l'abri de toute poursuite. Mais pour tout ce qui concerne les actes antérieurs à son départ, il en est pleinement responsable. La plupart du temps, les démissions volontaires se transforment en démission subie en raison du caractère conflictuel qui donne généralement naissance à ce type de décision. Les pressions subies par le ou les dirigeants de la part d'autres dirigeants ou d'autres cercles conduisent à un retrait précipité. Ces contraintes sont difficiles à prouver et lorsqu'elles sont évoquées par le dirigeant victime, elles ne suscitent pas toujours un intérêt et le conflit sera réglé en silence. La démission subie au-delà de son caractère abusif dans la plupart des situations est certainement un bon indicateur sur le mode de gouvernance des sociétés qui se caractérise en général par l'absence de contrôle et la dictature du président directeur général. Cette dictature est un peu voulue par les textes qui organisent la concentration des pouvoirs dans une seule main. Ce qui signifie que lorsqu'un dirigeant soulève des problèmes objectifs relatifs à une mauvaise gestion ou une situation financière alarmante, ce qui n'est pas forcément fait pour plaire au chef qui se croit toujours le plus compétent, il s'ensuit une mise à l'index et si le dirigeant est seul à dire cela, il ne lui reste alors pour choix que le dépôt de sa démission. Les contentieux générés par ces démissions et mêmes les révocations lorsqu'elles existent occultent les motifs qui ont été à l'origine du litige et se focalisent dans la majorité des cas sur les problèmes d'indemnités de départ qui n'ont rien à voir avec ce qu'on appelle ailleurs les "golden parachutes" ou "parachutent dorés", c'est-à-dire les sommes versées aux dirigeants licenciés.