Même les dictatures les plus féroces ont compris que la communication institutionnelle est une arme stratégique en temps de crise. Acculés par les révoltes populaires, les anciens présidents tunisien Ben Ali, égyptien, Moubarak, le président yéménite, Ali Abdellah Salah, le «guide» libyen, El Gueddafi, ont tous, dès les premières secousses du séisme politique, qui a frappé ces pays, annoncé sous la contrainte de la rue, de la manière la plus officielle, un agenda de réformes politiques et institutionnelles. Ayant perdu toute légitimité auprès de leurs peuples, ces dirigeants n'ont pu faire passer la pilule faussement démocratique que représentaient ces ouvertures imposées aux régimes arabes. Ces dirigeants ont tenté de distiller par doses homéopathiques leurs promesses de réformes pour se maintenir au pouvoir en fonction de l'évolution des rapports de forces sur le terrain et de la pression internationale. On a vu comment ces dirigeants se sont invités solennellement à la télévision d'Etat pour annoncer, qui sa décision de ne pas briguer un nouveau mandat, qui une révision de la Constitution ainsi qu'un train de mesures entrant dans le cadre de la démocratisation de ces pays. Ils ont eu la «délicatesse» politique d'afficher publiquement leurs intentions politiques. C'est la fixation de ce cap qui fait cruellement défaut aujourd'hui dans notre pays. Au milieu de la tempête qui secoue notre région, on ne sait pas «où va l'Algérie», pour reprendre une prophétie du défunt Mohamed Boudiaf qui apparaît aujourd'hui encore d'une brûlante actualité. L'avenir du pays semble se décider à travers des conclaves et des tractations secrètes regroupant de hauts dignitaires du régime. La presse privée rapporte sous le couvert de l'anonymat ces bruissements du sérail qui donnent du grain à moudre aux commentateurs et analystes politiques qui tentent de déceler à travers le trou de la serrure ce qui se trame dans les allées du pouvoir. L'agitation politique n'est pas confinée uniquement à l'intérieur du système. Des hommes politiques dont le parcours se confond avec le système investissent la scène politique appelant à la nécessité d'un changement radical transcendant l'équation présidentielle qui n'est qu'«une partie du changement» pour reprendre Abdelhamid Mehri. D'autres initiatives, propositions sur la manière d'opérer le changement et le contenu des réformes à engager, sont portées par d'autres personnalités en rupture de ban avec Bouteflika, ainsi que par des partis de l'opposition. En l'absence de visibilité politique, ces initiatives ne parviennent pas à fédérer les énergies. La suspicion est de rigueur. On parle d'initiatives téléguidées, de missionnaires mandatés par le régime pour déblayer le terrain et préparer le lit aux réformes politiques à l'avènement desquelles, nous dit-on, les représentants du système en place ne peuvent pas ne pas être partie prenante. Une chose est sûre, c'est que l'opinion est lasse et indifférente à ces cénacles nullement désintéressés qui occupent le devant de la scène politique et qui tentent d'imprimer un contenu et un rythme aux changements que le pouvoir serait amené à concéder dans le sillage des transformations qui s'opèrent dans notre sphère géographique. La bienveillance avec laquelle les médias officiels se font l'écho de ces initiatives politiques confirme bien qu'un tel débat est suscité de l'intérieur du pouvoir et que le concepteur et l'architecte du changement qui semble se dessiner n'a pas changé de main. Car s'il y a réellement une volonté politique d'aller vers la naissance d'une deuxième République en Algérie qu'est-ce qui empêcherait alors le président d'annoncer officiellement son projet politique pour l'Algérie ? En précisant la démarche pour la concrétisation des réformes projetées. Cela aurait évité toute cette surenchère politique, ces spéculations et autres manœuvres du sérail qui rythment la vie politique nationale. Une telle politique de louvoiement destinée à gagner du temps et à recycler le système et ses hommes n'a aucune chance de réussir.