Du «vendredi de l'intégration» au «samedi du silence» l Seule et unique revendication : l'intégration. Ces «formateurs de générations» se disent «méprisés par Benbouzid» et «lâchés par Bouteflika». Les enseignants contractuels ont bouclé leur première semaine de sit-in devant la présidence de la République, à El Mouradia. Les jours passent et la détermination se consolide. Mieux encore, les protestataires ne se contentent plus de résister, ils innovent dans l'expression de leur colère. Après le «vendredi de l'intégration» où quelque 500 enseignants priaient ensemble, imitant dignement les scènes de la place Tahrir, ils ont organisé, hier, un «samedi du silence». Sous le slogan «Samitoune samidoun (silencieux mais résistants)», les locataires de la désormais «place de l'Intégration», à quelques mètres de l'entrée du palais présidentiel, ont tenu leur rassemblement en respectant un mot d'ordre particulier : rester silencieux durant toute une journée. «Les pancartes et les coupures de journaux parlent à notre place», disaient-ils. A propos de la réaction des autorités concernant leur «seule et unique revendication qui est l'intégration», la présidente du Conseil national des enseignants contractuels (CNEC), Myriem Maârouf, affirme que «la Présidence et le ministère de l'Education nationale ne font rien pour satisfaire cette demande. Ils continuent à faire la sourde oreille». Cela dit, les enseignants ne se découragent pas, ils sont plus que jamais déterminés à augmenter leur pression sur la tutelle. Hier vers 10h30, les délégués de trois nouvelles wilayas (Oum El Bouaghi, Tébessa et Tizi Ouzou) ont rejoint le sit-in. «Avec les nouveaux arrivés, on dépasse la barre des 500 enseignants représentant 35 wilayas», affirme Mme Maârouf, qui ajoute : «Nous lançons un appel à tous les autres camarades concernés à nous rejoindre ici sur le terrain du combat.» Les enseignants contestataires comptent radicaliser leur action. En plus de l'option du «suicide collectif» fortement envisagée, on parle d'une grève de la faim. La présidente du CNEC a appelé, en outre, l'ensemble des enseignants, contractuels et titulaires, à boycotter les salles de cours au retour des vacances du printemps en signe de solidarité. «L'intégration» contre «l'injustice» Tous les témoignages recueillis par El Watan vont dans ce sens : dénoncer «l'injustice» et réclamer «l'intégration». Venus des quatre coins du pays, ces «formateurs de générations» se disent «méprisés par Benbouzid» et «lâchés par Bouteflika». «Je cumule trois fonctions. Je suis à la fois enseignant de langue arabe et de langue française. Je suis aussi chargé de l'école primaire où j'enseigne. Tout cela pour la maudite paye de 19 500 DA par mois», témoigne Semaoune Sofiane, enseignant contractuel à Béjaïa depuis 2002. «Cela sans titularisation, sans transport, sans cantine, sans internat. Du coup, je suis lourdement endetté», regrette-t-il. «On nous a même enlevé la prime de rendement depuis 2007», précise un de ses collègues. «Un enseignant titulaire stagiaire perçoit 28 500 DA plus des primes, soit 35 000 DA par mois. Pour le même travail, peut-être avec des heures supplémentaires, on me paye 20 000 DA seulement», soutient Nabil, allongé à même le sol. «Je suis dans mon poste depuis trois ans, sans contrat. Pour certains, le contrat prend fin en juin, pour d'autres en juillet. Y a-t-il une loi pour chaque wilaya ?», déplore Djaber, enseignant à Sétif. Les témoignages sont nombreux mais se ressemblent. «Je suis diplômée en biologie, j'enseigne dans un CEM depuis 2005. On me refuse le droit à la titularisation et au concours. Donc je suis condamnée à rester contractuelle toute ma vie malgré toutes ces années de sacrifice», souligne une enseignante de français d'Alger, résumant la situation de la majorité de ses collègues qui n'ont pas de diplôme d'enseignement. Sur ce point, beaucoup de témoins assurent : «Plusieurs ingénieurs et diplômés de diverses spécialités ont été intégrés en tant qu'enseignants par la même administration qui refuse aujourd'hui de reconnaître le mérite des enseignants contractuels malgré leur expérience et leurs services rendus à la profession.» Tous les enseignants présents à la toute nouvelle «place de l'Intégration», dénoncent la politique de recrutement appliquée par le ministère de l'Education nationale et sa politique du deux poids, deux mesures. «Le concours de recrutement ne profite qu'aux promotions fraîchement diplômées. Et encore, la réussite au concours ne reflète en rien le niveau des postulants. C'est juste un atout pour les gens qui ont un bon soutien en coulisses», accuse Halima, surnommée «la conceptrice des slogans» par ses collègues. Nos interlocuteurs parlent aussi de l'exploitation des enseignants contractuels par les directions des établissements scolaires, qui leur refusent même les journées de repos et les congés. «Une enseignante de Béjaïa, R. H., a été obligée de reprendre son travail 15 jours après son accouchement», a-t-on appris. Certaines victimes du statut de contractuel ont été licenciées de leur poste de manière humiliante, sans même être avisées. Pour tous ces facteurs, les protestataires campent sur leur demande d'intégration et ne sont pas encore prêts à lâcher du lest.