Le football algérien est-il l'otage de la ch'kara ? Ce terme désigne les fameux sacs noirs en plastique bourrés de liasses de dinars qui s'échangent souvent dans le mercato national, intersaison des transferts et des marchandages. « L'opacité des tractations et l'intraçabilité des sommes d'argent échangées entre les clubs affaiblissent la crédibilité des instances sportives et les rendent vulnérables à la première descente de l'Inspection générale des finances (IGF) », estime un chroniqueur sportif. D'où les bruits insistants sur des remous au sein de certaines instances du football national qui subiraient des pressions des pouvoirs publics, effet collatéral de l'affaire FAF-FIFA et de l'élection du prochain patron de la fédération. Le fait est que le statut d'association dévolu aux clubs de football les met constamment sous l'épée de Damoclès du financement public. Les subventions constituent presque 80% des revenus d'un club algérien. Subventions dont la gestion, de l'avis de nombre d'observateurs de la scène sportive, semble otage des logiques d'allégeance, comme c'est le cas pour les autres associations culturelles, historiques, etc. « Comment expliquer qu'un club de football algérois puisse recevoir une enveloppe importante des pouvoirs publics alors que son bilan comptable n'a même pas été encore certifié », se demande-t-on dans les milieux du football à Alger. D'un autre côté, au moindre écart jugé irrévérencieux par l'autorité, la méthode est presque de l'ordre du rituel : l'on dépêche les inspecteurs des finances pour dénicher la moindre irrégularité avec tout le bruit qu'il faut autour. La même méthode est employée dans d'autres domaines, comme par exemple contre la presse privée ou des industriels dont les opinions ou les ambitions menacent la cohésion du régime en place. Parfois donc, le fisc est employé comme le bourourou, le croque-mitaine, le bâton que les autorités brandissent contre les opposants, critiques, ou simplement à l'encontre de ceux qui se permettent la moindre autonomie. Mécanisme d'autant plus efficace en l'absence des instruments de contrôle prévus par la loi. Et là, on citera le cas de la Cour des comptes, organisme quasi paralysé par des manœuvres autoritaires l'empêchant de mener sa mission de contrôle efficacement et, surtout, dans la transparence. A rappeler les fameuses opérations « mains propres » lancées par l'Exécutif, dénoncées par une partie de la classe politique comme étant des « chasses aux sorcières » en l'absence de mécanismes institutionnels de contrôle. Dans le cas du football algérien, le manque de transparence de la sphère financière, le système de subvention, fragilise les clubs et les pousse à prêter leurs flancs aux frappes punitives fiscales des autorités. L'opacité fiscale des clubs de football et de la gestion des stades semble structurelle. Pour exemple, à chaque fin d'exercice, la comptabilité du club est établie par un commissaire aux comptes, opération contrôlée par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Foot et gros sous Mais cette comptabilité reste d'ordre généraliste et fait l'impasse sur des détails d'importance, comme les charges fiscales qui sont mal sinon non définies. Plusieurs acteurs du football ont souligné que l'absence du plan comptable reste une spécificité du ballon rond algérien. En France par exemple, un organisme, la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG), examine la conformité légale du détail des contrats de chaque club et en contrôle la bonne santé des budgets. La DNCG décide également de l'ascension ou non des clubs en division supérieure en corrélation avec leurs états comptables et financiers. Cet organisme surveille, également, les procédures liant les équipes aux chaînes de télévision dans la gestion des recettes des droits de retransmission. Autorité morale mais aussi bras répressif, le modèle de la DNCG peut préfigurer des pistes de réflexion autour d'organismes de contrôle du football algérien. Sauf que la comparaison s'arrête aux limites des statuts des clubs. Car le football algérien n'a encore pas évolué vers un statut de professionnalisme. La DNCG contrôle des clubs-entreprises. Ce qui n'est pas encore le cas en Algérie. D'où la nécessité soulevée par plusieurs intervenants et experts nationaux d'opérer un saut qualificatif de l'organisation de la scène footbalistique algérienne : transformer les clubs, association à but non lucratif, en véritable entreprises. Un premier pas dans le sens d'un meilleur contrôle des transferts de capitaux interclubs a été franchi lorsque la FIFA a imposé aux clubs de déposer les contrats signés avec les joueurs au niveau des fédérations et ligues nationales pour une meilleure réglementation des transferts. Autre mesure : les assemblées générales des clubs doivent être soumises au feu vert de la direction de la jeunesse et des sports après étude du bilan financier. Des mesures probablement sur la voie d'une meilleure transparence du milieu du football. Une transparence qui non seulement aidera à assainir le climat de la compétition, mais permettra également de sortir la sphère du ballon rond en dehors des pressions d'opérations mains propres aussi ponctuelles que politiciennes. Et des assertions, comme celle du ministre de tutelle, qui a affirmé avant-hier que « 141 milliards de centimes ont été dépensés par la FAF en quatre ans », ne pourraient passer sans explication, comme c'est le cas actuellement. D'ailleurs, le site de la FAF a publié, hier, une réponse de Raouraoua qui « met au défi (le ministre) M. Guidoum de prouver que la FAF a reçu 140 milliards de centimes en quatre ans ». « La FAF a publié ses comptes dans la transparence et a démontré que les chiffres avancés sont erronés. D'ailleurs il avait été précisé que ce budget de 4 ans de la FAF ne représente que le budget annuel de certaines fédérations voisines. Le ministre devrait demander des explications et des preuves de virement à ceux qui l'ont mal informé », a ajouté L'ex-président de la FAF.