Quelques heures à peine, après l'expiration du délai de 48 heures que les ravisseurs avaient donné au chef du gouvernement italien pour retirer les troupes de son pays de l'Irak, les activistes du groupe extrémiste qui se fait appeler l'Armée islamique en Irak et qui a déjà à son actif plusieurs enlèvements et exécutions, ont remis à une télévision arabe une cassette sur laquelle avait été enregistré l'assassinat de Enzo Baldoni. Les journalistes de la télévision qatarie ont expliqué que le caractère insoutenable des images les empêche, par respect pour la sensibilité des téléspectateurs, de les diffuser. Les pensées de tous sont tout de suite allées vers sa fille, de 24 ans, et de son fils, 21 ans, qui avaient, la veille, transmis, via la même télévision, en direction du groupe armé, un appel émouvant dans lequel ils décrivaient leur père comme « un homme de paix » et suppliaient ses kidnappeurs de l'épargner. Le chef de l'Etat italien a été le premier responsable à réagir à cette triste information et s'est dit « éprouvé et indigné ». Le président du Conseil italien a affirmé, pour sa part, « ne pas trouver les mots pour commenter cet acte barbare qui annule des siècles de civilisation », et a réaffirmé « la ferme détermination de son gouvernement à combattre le terrorisme ». Les responsables de l'Armée islamique en Irak avaient expliqué dans la vidéo de l'assassinat que c'était une réponse à Berlusconi qui avait refusé de retirer le contingent italien de l'Irak.De leur côté, les journalistes de Dario, un hebdomadaire de gauche, créé il y a cinq ans, par une équipe de L'Unita, l'historique quotidien des communistes, qui est aujourd'hui le porte-parole des démocrates de gauche (principal parti de l'opposition) ont inséré sur le site du journal et sur celui de Baldoni, « BloBaghdad », (Blo étant le nom d'un important programme de satire télévisé), les articles et les photos sur l'Irak de leur collègue envoyé en Irak. La direction de Dario a consacré le numéro de cette semaine à la carrière d'Enzo, un véritable autodidacte qui a commencé par faire le maçon en Belgique. En free-lance téméraire, qui a réussi des prouesses professionnelles comme celle de rencontrer le commandant Marcos, dans le Chiapas (Mexique), ses articles étaient toujours des récits de voyages d'exploration et d'aventure. Dario a publié, dans le dernier numéro, en couverture, une photo de Baldoni souriant à Mohamed, un jeune Irakien, qui a perdu ses deux jambes lors d'un bombardement durant la dernière guerre, montrant, amusé, à son ami italien deux chaussures aux numéros disparates, qu'une association caritative venait de lui offrir. Enzo ne sourira plus, ni probablement sa veuve et ses deux enfants. Ses collègues affirment que parce qu'il était free-lance, il ne disposait d'aucune couverture institutionnelle ni d'assurances sur sa vie. Il y a quelques mois, quatre agents de sécurité italiens, travaillant pour des sociétés implantées en Irak, avaient été enlevés et trois d'entre eux libérés grâce à l'intervention du gouvernement italien, selon des indiscrétions, après le versement d'une forte somme aux ravisseurs.