Les reports successifs du congrès du Parti communiste cubain (PCC) ont peut-être leur explication. Elle tient en un seul mot. C'est le pari de Raul Castro qui a succédé en 2006 à son frère Fidel au poste de chef de l'Etat cubain, ou encore une petite révolution, tranquille en apparence. C'est celui de mettre à jour le régime cubain qui n'a connu qu'un seul chef d'Etat en un peu plus d'un demi-siècle, de le moderniser, de procéder à une ouverture même contrôlée, ou encore mettre fin au dogme idéologique. C'est d'ailleurs ce qui était attendu de ce congrès, puisqu'il était placé sous le signe de «La correction des erreurs commises au cours des cinq décennies de la construction du socialisme». Visiblement libéré de certaines contraintes, le président Raul Castro a donné le ton en appelant à «laisser de côté le formalisme, l'immobilisme et le dogmatisme». Le régime cubain n'a plus les moyens de sa politique et doit tenir compte des changements intervenus depuis au moins deux décennies à travers la planète. Fidel Castro, qui a pris sa retraite, en a situé les tares, et il ne restait à son frère qu'à mettre en forme le changement. Et cela n'était pas aussi facile à mener en raison des résistances qu'il fallait vaincre les unes après les autres. Cela tient aussi aux personnes, aux historiques comme on les appelle, à la même longévité politique que Castro, dont il n'était pas acquis qu'ils suivent la décision de retrait. C'est pourquoi ce que vient de proposer Raul Castro est réellement inédit. Il a, en effet, proposé de limiter l'exercice des responsabilités politiques à deux mandats. Si l'on considère que ceux qui dirigent le pays ont plus ou moins la même trajectoire que Castro, l'on peut alors dire que l'heure de la relève a véritablement sonné, en se prononçant pour un fort dégraissage de la «nomenklatura». L'idée était dans l'air depuis quelques années, plus exactement, depuis que Fidel Castro avait décidé de se retirer de la scène politique. Pour y parvenir, il paraissait nécessaire de reporter la tenue du congrès, le premier depuis 1997, puisque c'est lui qui allait engager le pays dans de profonds changements. «Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il était recommandable de limiter à un maximum de deux périodes consécutives de cinq ans la durée des mandats politiques fondamentaux», a affirmé le président devant les 1000 délégués. Cette mesure, a-t-il expliqué, a pour but d'«assurer un rajeunissement systématique de toute la chaîne de responsabilités» au sein du pouvoir, précisant qu'elle s'appliquerait également à lui-même qui aura quatre-vingts ans le 3 juin prochain et qui a occupé le poste de ministre de la Défense pendant cinquante ans. Au cours d'un discours qui a tout de même duré deux heures et vingt minutes, Raul Castro a également présenté les grandes lignes des réformes économiques qui doivent être définies et adoptées par le congrès. Plus de 300 mesures économiques vont être soumises au congrès. Mais l'on retient déjà la suppression de milliers d'emplois dans le secteur public décidée avant même la tenue du congrès, ce qui traduit le nouveau réalisme économique. Ou encore l'ouverture de l'économie à l'initiative privée, l'autonomie des entreprises d'Etat, la réforme du secteur agroalimentaire et l'ouverture aux capitaux étrangers. Renouvellement de la classe politique, mais aussi disparition annoncée de la libreta, ce fameux carnet de rationnement qui symbolisait, à lui seul, tous les problèmes de la vie quotidienne auxquels faisait face la population cubaine. Mais aussi toutes les limites du socialisme cubain. C'est donc l'heure du réalisme. Comment se concrétisera alors cette transformation, le changement d'homme ne semblant plus poser de problème ?