Le public a assisté, avant-hier et hier, à des témoignages émouvants sur la vie et le parcours du chanteur kabyle Slimane Azem, à l'occasion des journées évocation organisées à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Des artistes très connus ont «revisité» le défunt. L'acteur et comédien, Mohamed Hilmi, a rappelé les moments passés avec l'enfant d'Agouni Gueghrane. A ce sujet, d'ailleurs, il dira : «J'avais connu Slimane dès son retour en Algérie en compagnie de Hocine Ouarab que le directeur de la radio (chaîne kabyle), avait chargé de se déplacer à Paris, porteur d'un message, invitant Azem à honorer la chaîne par sa présence sur son sol natal», avant d'ajouter : «Il devient un amateur de la chanson au bonheur de ses amis, ces ouvriers émigrés qui trouvaient en sa compagnie un moyen d'oublier, de temps à autre, leurs pénibles soucis quotidiens. Il chantait l'amour mélancolique, attristé par le chagrin de l'exil. Il a rencontré l'auteur-compositeur Mohamed El Kamal, qui lui conseilla de composer lui-même ses chansons et constituer un nouveau répertoire original. Depuis cette rencontre providentielle, Azem et Mohamed El Kamal deviennent d'inséparables amis et collègues qui avaient le même amour de l'art et les mêmes visions sur la complexité de la vie. Le retour de Slimane au pays en 1951 et ses représentations publiques dans plusieurs régions d'Algérie ont créé un bouleversement extraordinaire inattendu.» karim abranis se souvient Saïd Hilmi, lui aussi, a rappelé à l'assistance les qualités de l'artiste qu'il qualifie de chanteur prodigieux. Karim, du groupe mythique les Abranis, dira, pour sa part, que le défunt souffrait de l'exil et de l'incompréhension des autres. «J'ai eu l'honneur et le privilège de le connaître et de travailler avec lui. Il était courageux et lucide. On a animé avec lui deux concerts, à guichets fermés, en 1974, à Paris», a-t-il précisé. Au cours d'une conférence intitulée : «Message moderne de la chanson de Slimane Azem», Abdenour Abdeslam, auteur et militant de la cause amazighe, a expliqué que «la radio a pénétré les foyers en Kabylie grâce aux chansons de D'da Slimane». De son côté, le journaliste, écrivain et critique littéraire, Rachid Mokhtari, s'est étalé dans son exposé à expliquer «‘‘Lghorba'', espace de la satire et de l'ironie et de la contrariété». Il a souligné que «Azem et El Hasnaoui ont vécu dans une société occidentale élevée. Ils ont chanté elghorba (l'exil) à l'origine khaldounéenne. Ils nient la chanson spectacle, en optant pour le style d'expression péjorative sur les mutations du monde de bouleversement.» Par ailleurs, dans le cadre de cet hommage, une exposition de livres, de revues, de photos et de coupures de presse a été mise en place dans le hall de la maison de la culture, pour retracer la vie et l'œuvre de l'artiste. Deux films documentaires sur le chanteur de l'exil devaient être projetés, hier, dans l'après-midi. D'autre part, il faut rappeler que Slimane Azem est né le 19 septembre 1918 à Agouni Gueghrane, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Sa première chanson, Amuh a muh, qui traite des conditions de l'émigration, sortie au début des années 1940, était un signe avant-coureur pour une carrière substantielle qui s'est étalée sur plus de quatre décennies. Il a chanté, entre autres, avec Bahia Farah, Mohamed Hilmi et Cheikh Noureddine. Il est décédé en 1983 à Moissac, en France, laissant derrière lui une œuvre palpitante avec plus d'une centaine de textes où il a chanté les conditions difficiles de l'émigration et la nostalgie. Il a également dénoncé le colonialisme français, notamment dans Effegh a ya jrad tamurtiw (Sauterelles, quittez mon pays).