-A votre avis, les conditions économiques qui peuvent amener une Banque centrale à émettre un nouveau billet de banque sont-elles réunies dans le cas de l'Algérie ? La monnaie, comme tout bien ou service, est soumise à la loi de l'offre et la demande. La quantité d'espèces en circulation dépend donc de la demande du «public», c'est-à-dire aussi bien les ménages que les entreprises qui en sont les utilisateurs. L'émission de nouveaux billets est donc une réponse à une demande plus forte des «utilisateurs» de monnaie. Mais émettre des billets ne se fait pas sans contrepartie. En effet, les espèces que nous détenons sont des engagements qui apparaissent au passif de la Banque d'Algérie. Historiquement, les Banques centrales s'engageaient à échanger contre de l'or la monnaie émise. Aujourd'hui, ce sont les créances sur l'étranger, sur les banques commerciales (c'est-à-dire l'argent que détient la Banque centrale vis-à-vis de l'étranger ou des banques commerciales) ou sur le Trésor qui constituent la « contrepartie » de cette monnaie émise. La «confiance» du public est donc essentielle en matière de monnaie. En Algérie, les augmentations de salaires récentes dans la Fonction publique, mais aussi dans les entreprises et les banques ont, semble-t-il, créé un manque de billets dans les bureaux de poste où les fonctionnaires détiennent leurs comptes. Tout ceci a amené une forte augmentation de la demande de monnaie fiduciaire. -La Banque d'Algérie a émis le nouveau billet de 2000 DA pour, dit-elle, «assurer une disponibilité accrue de la monnaie fiduciaire», alors qu'il y a une part très importante de masse monétaire qui échappe déjà au circuit formel. A votre avis, la réponse est-elle en adéquation avec le problème évoqué ? Le problème du secteur informel que vous soulevez touche principalement au système et aux moyens de paiements utilisés dans le pays. L'appétit pour le cash est très fort : le chèque est honni par les commerçants et les cartes de crédit n'existent quasiment pas. Cela est probablement lié à la discrétion apportée par le paiement en cash. Ainsi, pour réduire la préférence au cash, un ensemble de mesures doit être mis en place simultanément dont : agir sur la modernisation et la diversification des moyens de paiements pour faciliter les transactions ; encourager l'épargne par une meilleure rémunération et améliorer la traçabilité des opérations financières. -La Banque d'Algérie dit aussi vouloir renforcer la lutte contre le faux-monnayage. N'aurait-il pas fallu dans ce cas émettre de nouveaux billets en remplacement de ceux déjà existants (qui ne vont d'ailleurs pas être retirés) ? Je ne pense pas que la création du nouveau billet de 2000 dinars vise principalement à lutter contre la contrefaçon. Pour rappel, le billet de 2000 dinars qui semble frapper l'imagination des Algériens n'a rien d'extraordinaire, en zone euro, des coupures de 500 euros sont en circulation et représentent même environ un tiers des billets émis. Pourtant, on ne les voit pratiquement jamais ! Ici, la monnaie fiduciaire est donc utilisée à des fins de thésaurisation, c'est-à-dire de conservation de l'argent. La création du billet de 2000 dinars cherche plutôt à répondre à la forte demande de liquidités en créant une grosse coupure qui facilitera certains paiements et répondra à ce besoin de thésaurisation. -La valeur du dinar ne cesse de s'éroder notamment face à l'euro. La nouvelle donne peut-elle y changer quelque chose? L'émission de la nouvelle coupure de 2000 DA est une chose.La valeur du dinar qui s'érode en est une autre. S'agissant de ce dernier point, il faut savoir que certains facteurs, dont l'inquiétude sur la dette publique des Etats-Unis ainsi qu'une dévaluation compétitive «silencieuse», c'est-à-dire une dévaluation qui stimule la compétitivité de l'économie américaine ont contribué à faire flamber le cours de l'euro par rapport au dollar. Cette évolution a des répercussions sur le taux de change dinar. Nos importations sont principalement libellées en euro et nos exportations en dollar (à 98% environ). Une flambée de l'euro par rapport au dollar augmente donc nos coûts alors que nos recettes baissent. Mais, cet effet est atténué par les deux facteurs suivants : notre dette extérieure est faible (3.5 % du PIB) et les prix du baril ont tendance à augmenter lorsque le dollar baisse. Précisons enfin que le régime de change algérien est dit «flottant dirigé». La Banque d'Algérie est le seul intervenant sur les marchés des devises. Son objectif est de stabiliser le taux de change dit effectif réel (taux de change nominal corrigé pour les niveaux des prix intérieurs et étrangers) autour de son niveau d'équilibre.