Néji Bghouri préside le tout jeune Syndicat national des journalistes tunisiens, né en janvier 2008 sur les décombres de l'ancienne Association nationale des journalistes tunisiens qui existe depuis 1962. Il est également membre de l'Instance supérieure indépendante de réforme de l'information et de la communication dirigée par Kamel Laâbidi et chargée de reconfigurer le paysage médiatique tunisien. Néji Bghouri se présente comme un journaliste indépendant, «de sensibilité de gauche», confie-t-il. Il n'a jamais été proche du RCD, insiste-t-il, avec, à la clé, cette anecdote qui en dit long : «Le 3 mai 2008, nous avons publié notre premier rapport qui était très critique. Une semaine après, nous recevions une facture de 26 000 DT héritée de la défunte AJT, envoyée par la sécurité sociale.» Ayant refusé de soutenir publiquement la candidature de Ben Ali pour un 5e mandat, Néji Bghouri se verra confronté à toutes sortes de pressions. Dans la foulée, le SNJT implose, tiraillé qu'il était entre pro et anti-Ben Ali. «J'ai même été passé à tabac par la police politique», raconte Néji qui doit son retour grâce à l'insurrection du 14 janvier. A notre passage, Néji Bghouri était particulièrement surbooké : «Je dois absolument boucler le rapport annuel sur la situation des médias en Tunisie pour le présenter ce 3 mai», lâche-t-il. Justement, qu'en est-il des grandes lignes de ce rapport ? «Nous avons un Observatoire de la déontologie qui a préparé son rapport. On compte actualiser la charte de l'éthique et de la déontologie existante. Nous avons également relevé les atteintes aux libertés de la presse dans certains médias et les cas de censure en exigeant de véritables garanties pour une presse libre et indépendante conformément au nouveau contexte démocratique.» En gros, il s'agit donc d'accompagner la séquence post-révolutionnaire actuelle en balisant la voie pour une presse définitivement libre. Le code de la presse en préparation occupera forcément une place importante dans ce débat. «Il y a eu une première mouture de ce nouveau code, mais nous l'avons rejeté en bloc. Il avait une couleur répressive», dit Néji. «Nous avons exigé que la Constitution garantisse clairement la liberté de la presse. On ne veut pas d'un code. Un simple cahier des charges suffit pour les chaînes télé par exemple», argue le président du SNJT. Idem pour la dépénalisation du délit de presse : «Il est à craindre que la loi, sous l'alibi de faire respecter l'éthique et la déontologie, devienne une loi répressive. Nous estimons que la profession peut s'organiser et mettre en place ses propres instances de régulation.» Néji Bghouri indique qu'il y a environ 1600 journalistes professionnels en Tunisie, dont 1000 affiliés au SNJT. «Il y a 70 demandes de radio et une vingtaine de demandes pour la création de chaînes de télévision. 30 titres de la presse écrite attendent leur visa.» Néji Bghouri déplore enfin la situation ultra-précaire d'un grand nombre de journalistes tunisiens qui sont exploités, sous-payés et qui travaillent au noir. «Avant, les journaux étaient protégés par le pouvoir et agissaient en toute impunité. Aujourd'hui, les choses vont changer. Nous allons œuvrer pour élaborer une nouvelle convention collective», promet le président du SNJT.