Le centre d'hébergement du SAMU social de Dély Ibrahim demeure l'unique structure en ce genre à travers le territoire national. Il connaît une affluence nombreuse. « Notre rôle est d'aller vers les personnes en détresse et qui, pour une cause ou une autre, sont désocialisées. Nous leur offrons le logis dans notre centre », révéla Mme Aberkane qui a initié la formule et en assure la charge depuis sa création en 1999. « Nous sommes astreints à une mobilité de tous les instants pour apporter de l'aide à ces personnes qui n'attendent plus rien de la vie. Pour notre travail, nous disposons de 7 ambulances. Nous assumons une action d'urgence pour les SDF et les attardés psychiques entre autres », dira notre interlocutrice à la bonté chevillée au corps et qui a, à voir l'accueil que lui réserve son « petit monde », plaisir à faire fonctionner ce centre situé sur les hauteurs de la localité de Dély Ibrahim. Il est mitoyen avec le chantier d'une future représentation diplomatique à l'architecture orientale. Les missions du centre sont diverses. « Nous ne faisons pas seulement de l'urgence, mais aussi du préventif et du curatif », releva cette clinicienne de formation qui se reprend en disant que l'institution qu'elle chapeaute ne peut pour autant remplacer la famille. Evoquant son travail, qui est pour le moins harassant, elle avancera : « Nous sommes très absorbés par notre travail. Je sors de chez moi la nuit pour n'y retourner qu'à la nuit tombée. » Les subventions allouées à ce centre sont « bonnes », à en croire la directrice. « Le wali d'Alger a tenu à mettre sur pied, au tout début de son mandat, une commission regroupant toutes les volontés opérant dans le social, à savoir la DAS, les collectivités locales, la direction de la santé de wilaya, et on a eu de bons résultats », signala Mme Aberkane. « Je ne peux accepter de l'argent donné par les personnes parce que ne pouvant supporter un fil à la patte », renchérira-t-elle en relevant que Sonatrach leur a fait don de deux chalets. Ces derniers ont été aménagés et servent de classes « transformés avec le seul système D », ajouta la directrice. Les chalets sont tapissés avec des peintures réalisées par un artiste hébergé dans le centre. Le centre est d'une capacité d'accueil de 216 places. 9 familles occupent des chalets. Il recevait, lors de notre passage, 211 personnes dont 69 femmes, selon les chiffres donnés par la directrice. Le nombre d'homme est de 94, alors que celui des enfants est de 48. Pour la directrice, le centre essaie de réinsérer ces personnes fragilisées par la vie dans leur famille, quand elles en ont une. Si la famille est sur Alger, la tâche est moins ardue que si elle se trouve à l'intérieur du pays, signala la dame. Un sexagénaire originaire de Béjaïa, trouvé à Ruisseau, a été ramené par la police. « Mes enfants m'ont mis à la porte parce que je suis devenu un sans-le-sous. La cause en est que j'ai vendu ma maison pour payer les émoluments de l'avocat à la suite d'un problème avec des voisins », dira l'homme en pleurs. Il sera pris en charge par la psychologue pour lui faire soutirer une adresse ou un numéro de téléphone pour contacter ses proches. Toutefois, il ne s'y fait pas. La société est devenue tellement matérialiste que les enfants se permettent de jeter leurs parents à la rue quand il n'ont pas de sous. Des services ont été installés pour rendre le séjour des pensionnaires moins pesant. Il s'agit d'un service psychiatrique, premier contact avec le centre, releva la directrice. Une équipe juridique s'occupe des doléances des personnes, « surtout des femmes qui en ont gros sur le cœur ». Des requêtes, signale-t-on, sont rédigées pour celles d'entre elle qui ont affaire avec la justice. Une crèche et une nourricière ont été mises à la disposition des mères qui peuvent y installer leurs enfants. De même une infirmerie pour les premiers soins. Les analphabètes peuvent apprendre la lecture. Autre lieu mis au service des locataires, la Maison de l'enfance. Elle accueille dans les chalets offerts par Sonatrach, aux dires de l'éducatrice qui en est à sa 3e année de service, 18 enfants. « Nous faisons surtout de la pédagogie sociale avec ces enfants dont l'âge varie entre 6 et 14 ans », informa la responsable de l'établissement, qui précisera que certains avaient des difficultés de langage. Nazim est l'un de ces élèves. Se trouvant dans les lieux avec une fratrie de 9 enfants, l'élève de 14 avait des difficultés de langage. Il a réussi à rebondir grâce au travail de l'orthophoniste. Le diplomate et « Picasso »... « Nous accueillons une population hétérogène qui ferait tiquer plus d'un », signala Mme Aberkane. Des écrivains en rupture de bans et des fonctionnaires y ont élu domicile pendant un moment. Selon la directrice, la structure a accueilli même un diplomate qui « avait ses quartiers » dans un pays voisin. « Il a été notre pensionnaire avant que sa famille ne s'en aperçoive et le reprenne », dira la directrice. Des artistes confirmés sont aussi hébergés par moments. Ghadbane en est l'un d'eux. Artiste dans la lignée des grands peintres. Picasso dont il se déclare être le fervent disciple, ce natif de M'sila et élève du peintre Choukri Mesli en a connu des vertes et des pas mures. Ancien élève des Beau-Arts, il a depuis 1978 exposé ses palettes dans les plus grandes galeries du monde. « J'ai exposé au Musée d'art moderne à Paris en mai 1978, à la Pallazion Venizia Roma et j'en oublie d'autres », tonna Ghadbane, visiblement furieux contre le sort qui lui est réservé. Son seul souhait est de trouver l'âme sœur. Des promesses, notre homme en a eu à non plus finir. Le peintre a offert ses tableaux à Bernadette Chirac et Maria Sanpaio. La directrice affirme faire des envieux : « On nous jalouse parce que nous avons réussi. » Elle lance un appel pour tenter de freiner un tant soit peu le phénomène des personnes sans logis.