La sortie médiatique, hier, du Premier ministre Ahmed Ouyahia, fut une suite ininterrompue de mises au point, de démentis et de clarifications. Pas une petite information à se mettre sous la dent alors qu'il s'agissait tout de même d'une conférence de presse sanctionnant un conclave économique. Tout juste si l'on a appris qu'il va y avoir un allègement du fameux credoc qu'on pouvait du reste deviner à travers les déclarations du ministre des Finances. En Algérie, c'est comme cela, nos responsables communiquent par les rumeurs et accourent opportunément pour les démentir. Il paraît que ça occupe l'opinion publique et les gens de la presse. C'est, hélas, la grande faillite de la communication institutionnelle réduite à réagir par à-coups à des questions et préoccupations qu'il aurait fallu élucider et expliquer avant qu'elles ne soient emballées pour un usage abusif. Réouverture des frontières avec le Maroc, libération des détenus de l'ex-FIS, envoi des mercenaires en Libye, suppression du credoc, rachat d'Orascom Telecom, retour du crédit à la consommation, démission de Bouteflika, présidentielle anticipée, limogeage de Ouyahia, extradition de Khalifa, dissolution du Sénat… On peut multiplier à l'infini la série de rumeurs, de faux scoops qui tiennent lieu de communication officielle. L'Algérien est réduit à tendre l'oreille à radio trottoir pour «s'informer» de la dernière diversion en date. Et quand le ballon-sonde enfle démesurément, Ahmed Ouyahia, toujours lui, accourt pour le dégonfler avec une précision chirurgicale. L'homme adore ce grand oral où il tient le beau rôle de dire exactement le contraire de ce que les laboratoires du système où il émarge fabriquent et colportent des semaines durant. Vraiment prétentieux celui qui croit être dans les secrets du régime. Les voix du système sont tellement impénétrables que les spéculations, les supputations et autres constructions souvent farfelues, sont devenues les seuls canaux d'expression dans une Algérie officielle fermée à double tour par ceux qui nous gouvernent. Le fait est que les réformes politiques annoncées par le Président sont sujettes à plusieurs interprétations. On prête même au Président d'avoir organisé un simulacre de consultations alors qu'il a déjà en sous-main, une feuille de route qui aurait fait consensus parmi tous les centres décisionnels. Les Algériens ne savent pas trop s'ils seront dans une année appelés à élire un nouveau Parlement ou carrément un nouveau président de la République. Comment, dès lors, plaire à nos partenaires étrangers et attirer les «IDE» quand la visibilité politique et économique est à ce point opaque pour nous déjà ? En attendant les prochains démentis de Ouyahia à la même tribune, et avec le même aplomb et peut-être aux mêmes rumeurs, les Algériens connaissent au moins une vérité : le Barça de Messi est champion d'Europe !