-Comment voyez-vous l'hôpital psychiatrique Frantz Fanon aujourd'hui ? Juste après l'indépendance, on recevait les médecins français qui venaient rendre hommage au Dr Frantz Fanon et voir cet hôpital qu'ils appelaient «le Versailles des hôpitaux d'Algérie». Aujourd'hui, il n'en reste plus rien sauf des souvenirs des anciens médecins et quelques anciens pavillons qui font preuve d'une grande résistance. Il y a aussi une garderie des malades abandonnés par leurs familles -Rencontrez-vous des problèmes dans la prise en charge des malades ? Dans notre travail quotidien, nous rencontrons d'énormes problèmes, en raison notamment de la fuite des médecins vers le secteur privé et l'étranger ainsi que la rareté du personnel paramédical. Si ce n'est pas exagéré, on pourrait dire que le peu de spécialistes qui exercent dans notre établissement sont plus nombreux que les infirmiers. Pis encore, ces derniers ne sont pas formés pour apporter l'aide psychologique et médicale adéquate à ce type de malades. Il leur faut donc une formation spécialisée avec un diplôme où leur spécialité est mentionnée afin d'éviter leur fuite vers d'autres services. Nous souffrons aussi de l'absence des médicaments. Une pénurie grave est constatée dans les hôpitaux. Ceux qui sont disponibles dans les pharmacies coûtent très cher, ce qui oblige parfois certaines familles à abandonner leurs malades. -Que pensez-vous de l'extension des autres services et du bétonnage des différents espaces dédié autrefois aux malades mentaux ? Dans les années 1980, nous avions toléré une petite extension au profit des spécialités en relation avec les pathologies cérébrales telles que la neurologie et la neurochirurgie. Nous avions aussi accordé une petite faveur au service de chirurgie générale. Cependant, nous n'avions jamais imaginé, à l'époque, que cette extension allait prendre ces proportions impossibles à gérer. -Croyez-vous que la construction d'un nouvel hôpital psychiatrique est une solution ? Il est inutile de gaspiller les deniers publics pour construire un nouveau EHS, au moment où nous avons déjà un hôpital complet. Il faut mettre fin à l'extension anarchique du béton, surtout que la prévalence de la pathologie mentale augmente avec l'explosion des nouvelles maladies après la décennie noire. Il faut aussi penser à adopter une politique de la santé et surtout une politique pour la santé mentale. Il faut aussi que les parents des malades s'organisent et créent une association de défense des droits des malades mentaux.