Jour J du lancement de la saison estivale algérienne ! Elle prend fin le 1er jour de Ramadhan, (1er août). En réalité, l'été algérien ne durera qu'un mois cette année. Un mois de juillet qui s'annonce plat pour les professionnels du tourisme autant que pour les Algériens en mal d'évasion, après un début d'année particulièrement houleux en Algérie, autant que dans les pays voisins. Le printemps arabe a justement changé la donne des flux touristiques dans le bassin méditerranéen. «L'Algérie n'a, à aucun moment, envisagé de tirer profit de la situation générée par les troubles en Tunisie et en Egypte», annonçait le ministre du Tourisme, Smaïl Mimoune, il y a à peine quelques jours. Une manière très peu subtile de nous annoncer que l'Algérie ne fera rien, cette année encore, pour lancer son tourisme. Plus aucun espoir de récupérer les millions de touristes européens séduits par les paysages méditerranéens, qui n'iront ni en Egypte (baisse de 81%), ni en Tunisie (recul de 55%) cette année. Les Tunisiens sont bien conscients de cet enjeu. Leur ministre du Tourisme n'a d'ailleurs pas manqué de concéder d'importantes baisses des prix pour séduire les touristes européens et s'est même déplacé à Alger, pour «supplier» les Algériens de lui rester fidèles. Un exemple à suivre ? Non. On l'aura compris, les responsables algériens ne sont pas prêts à faire autant d'efforts pour vendre la destination Algérie aux étrangers. Difficile de vendre une destination, qu'on n'arrive même pas à faire apprécier à ses propres habitants. Qu'en est-il donc des destinations étrangères proposées aux Algériens ? Là encore, le bât blesse. Le choix est très restreint. La Tunisie, habituellement première destination des touristes algériens durant l'été, a été évincée autant que l'Egypte qui avait d'abord souffert, l'an dernier, d'un boycott algérien dû à une certaine animosité sportive avant de finir par disparaître carrément cette année de la liste des propositions touristiques pour cause de révolution, évidemment incompatible avec le tourisme. Que propose-t-on à la place ? La Turquie, encore la Turquie suivie en «troisième position» timidement par le Maroc. La Grèce, l'Espagne, Malte, les Seychelles, la Malaisie…des destinations qui se placent très loin derrière, parce que «trop luxueuses» (visas difficilement accessibles et tarifs dispendieux). La Turquie, pas forcément Pourquoi cette destination ? «La vie n'est pas chère en Turquie, et les tarifs de leurs hôtels sont très accessibles pour les bourses algériennes. En vérité, on n'a pas d'autres destinations abordables à proposer», explique franchement Cherif Guettouche, gérant de l'agence de voyages Ikram, qui propose des séjours d'une semaine à Istanbul pour 54 000 dinars seulement. D'une agence à une autre, les prix varient mais restent attrayants, ne dépassant pas les 60 000 dinars avec des séjours comprenant des excursions culturelles et une prise en charge en demi-pension. Sauf que ces tarifs n'incluent pas les prix des billets d'avion dissuasifs. «J'étais partante pour un séjour à 55 000 DA à Antalya mais le billet coûte plus cher que le séjour lui-même, 69 000 dinars», note une Algéroise au sortir d'une agence. Allant de 37 800 jusqu'à 97 000 DA, les prix des billets vers la Turquie ne sont pas fixes sur Air Algérie autant que sur Turkish Air Lines. «Cela dépend des dates, des quotas des tarifs promotionnels et des billets pleins tarifs», explique une employée de la Turkish Air Lines, en précisant que «c'est aussi la forte demande pour le mois de juillet qui perturbe ainsi les tarifications». Les vols affichent complet mais la liste des réservations ne comprend pas que des touristes : voyageurs qui s'y rendent pour des activités commerciales, pèlerins en transit vers Djeddah ou Chinois d'Algérie vers Shanghai. «Air Algérie propose des horaires de vol décourageants, (départ à 20h pour une arrivée à 2h du matin, ou retour à 5h du matin). «Les compagnies aériennes refusent d'assouplir leur position pour cette destination, par exemple, en programmant plus de vols pour baisser les prix», souligne Imène Leulmi, agent de voyage. Le prix des billets, éternel frein aux touristes algériens, toutes destinations confondues : la loi obligeant les compagnies étrangères à s'aligner sur les tarifs prohibitifs d'Air Algérie. La destination Turquie charme quand on s'y prend assez tôt, mais elle est loin d'atteindre les records tunisiens en nombre de touristes algériens (près de 2 millions). Selon des sources proches de l'ambassade turque à Alger, ils étaient 40 000 à s'y rendre il y a 3 ans. Le nombre est censé doubler cette année, mais il ne dépasserait pas les 80 000. La raison ? La cherté du billet qui marque les limites de la destination. Le Maroc, si les frontières s'ouvrent Le Maroc est l'autre destination sur laquelle misent beaucoup d'agences. Dima Voyage en fait partie. «On suit de très près les informations qui filtrent sur la possible réouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc», confiait, lundi dernier, Mourad Maoui le gérant. L'agence est justement en stand-by pour finaliser les formules de cette destination. Des contacts ont déjà été établis avec des chauffeurs de taxi et de bus pour mettre en place plusieurs possibilités de transports routiers. Le Maroc à des prix imbattables, ils y croient. Agadir, Casablanca, Fès, Marrakech, autant de villes qui ont fait leurs preuves en matière de qualité de service et de dépaysement assuré. L'attentat de Marrakech du 28 avril dernier a semé le doute sur la saison estivale marocaine, avec près de 22 000 réservations annulées au mois de mai. Mais le Maroc ne semble pas avoir dit son dernier mot. Il multiplie les formules et les accords avec plusieurs tour-opérateurs européens pour défendre son tourisme. Aucune action de promotion n'a ciblé les Algériens, le Maroc ayant pour habitude de viser les touristes occidentaux. L'éventuelle ouverture des frontières terrestres, qui permettrait au touriste algérien d'économiser le prix du billet, là aussi prohibitif (30 000 DA), aurait pu changer la donne touristique d'un côté comme de l'autre. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia vient de trancher : «L'ouverture des frontières, n'est pas à l'ordre du jour ! ». Les séjours d'une semaine au royaume chérifien continueront donc d'être proposés à près de 100 000 dinars, billet compris, ce qui est peu attractif pour les familles algériennes. Destination classée. L'Algérie, le vide Les propositions précises se font rares. Et d'ailleurs qui les ferait ? L'ONAT n'a toujours pas rendu publique son programme pour la saison estivale pour cause de «retard interne». Les agences de voyages, elles, veulent bien faire du sur mesure mais elles ont bien compris que le tourisme local n'est pas un créneau porteur en été. Et pourtant «la demande dépasse largement l'offre», précise Rachid Djeribi, président du SNAV, Syndicat national des agences de voyages. En plus du manque d'infrastructures et des prix trop élevés, les voyagistes montrent également du doigt la problématique des tarifs préférentiels. «Nos hôtels refusent de jouer le jeu. Si le tarif d'une chambre est à 2000 DA la nuitée par exemple, elle restera à 2000 DA même si le voyagiste propose à l'hôtelier un groupe de 50 ou 100 personnes», explique Rachid Djeribi. Résultat : le voyagiste fera payer cette chambre à plus de 2000 DA, pour prendre sa marge. Un frein incontestable pour la promotion de nos sites balnéaires. Les hôteliers ne s'en plaignent pas, et s'en sortent en traitant avec des sociétés, notamment publiques qui leur restent fidèles d'année en année. C'est par exemple le cas à El Kala qui attire de moins en moins de vacanciers. «La région est de plus en plus boudée justement parce que les tarifs sont élevés alors que la ville ne cesse de se dégrader», avoue la gérante de l'hôtel El Manar, en soulignant que l'établissement affiche quand même complet grâce aux réservations faites par deux sociétés. Face à ce vide, de nombreux Algériens continuent de se rabattre sur le marché parallèle du tourisme. Plusieurs familles trouvent leur compte dans des maisons en bord de mer proposées à la location. 1200 km de côtes, le choix est large. «Chaque été, je loue un appartement à Boulimat (Béjaia) avec mon frère pour 200 000 DA le mois, à deux familles, ça nous revient pas très cher !», témoigne un père de famille de l'Algérois. Une autre façade de l'informel qui ne crée aucun emploi et ne génère aucun impôt, ces locations sont proposées par des particuliers de bouche à oreille par des agences immobilières ou encore sur des sites Internet en Algérie ou à l'étranger. Leurs prix : entre 150 000 et 400 000 dinars par mois. Que reste-t-il pour les toutes petites bourses ? Un bon ventilateur à 2000 DA et 400 DA pour flasher le démodulateur, en espérant que d'ici là les pirates auront de nouveau réussi à décrypter les chaînes Voyages découvertes et séjours. Au pire, Thalassa sur France 3 pour oublier la platitude de l'été algérien.