Présenté hier à l'APN par le ministre des Finances, Karim Djoudi, le projet de loi de finances complémentaire pour 2011 sera largement «débattu» par les députés, à l'inverse des précédents projets de LFC qui, d'ordinaire, passaient sans l'aval du Parlement. Conçue pour couvrir financièrement les mesures socioéconomiques décidées ces derniers mois par les pouvoirs publics aux fins de contenir la grogne sociale, la LFC 2011 ne devra pas connaître de couacs à l'APN, d'autant qu'elle ne charrie aucune nouvelle taxe ou nouvel impôt. A dire vrai, les dispositions qu'induit ce texte constituent en substance autant de mesures sociales déjà entérinées et même mises en pratique par le gouvernement, à l'issue du Conseil des ministres de février dernier, faisant suite aux émeutes qu'a connues le pays au début de l'année. Ainsi, pour contenir le malaise social et neutraliser par la même toute velléité de révolte politique ou autre, l'Etat use tout simplement de ressources financières publiques puisées de la seule manne pétrolière, dont les cours sont pour l'instant dopés. Dans cet ordre d'idées, le projet de loi de finances complémentaire pour 2011 autorise une hausse globale de la dépense publique de l'ordre de 25%, comparativement à la loi de finances initiale. Au titre de l'exercice en cours, les dépenses passent ainsi de 6618 à 8273 milliards de dinars, essentiellement pour accompagner en autorisation de programme et de crédits de paiement les décisions prises par le Conseil des ministres en février dernier, en vue de pallier la baisse du pouvoir d'achat des citoyens, d'atténuer le chômage des jeunes et de soutenir l'outil économique. Aussi, les dépenses charriées par le projet de la LFC 2011 couvrent notamment les régimes indemnitaires des fonctionnaires, y compris leurs rappels, pour un total de 400 milliards de dinars et les subventions supplémentaires pour la stabilisation des prix du blé, de l'huile, du lait et du sucre, qui passent ainsi de 93 milliards de dinars à 270 milliards de dinars pour l'année 2011. S'agissant du soutien à l'emploi, la LFC 2011 prévoit un montant de 139 milliards de dinars destiné notamment à l'élargissement du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes et à l'augmentation du quota annuel des projets de micro-entreprises. Au regard de cet accroissement conséquent de la dépense publique, le déficit budgétaire prévu par le projet de loi de finances complémentaire pour 2011 se creuse fortement par rapport à la loi de finances initiale, passant ainsi de 3355 milliards dinars à 4693 milliards de dinars dans la LFC, soit un ratio de 33,9% par rapport au PIB. A l'origine de cette aggravation du déficit global, il y a bien entendu la hausse des dépenses de fonctionnement prévues, à hauteur de 857 milliards dinars, hausse justifiée principalement par les diverses mesures d'apaisement social. De même, le budget d'équipement marque aussi un fort accroissement, soit 797 milliards de dinars, également destinés à répondre à des besoins sociaux, tels que le programme additionnel de logements sociaux et ruraux. Avec un prix de référence du baril de pétrole fixé à 37 dollars, soit nettement en deçà des cours actuels du marché, il va sans dire que le déficit autorisé à travers la LFC 2011 sera couvert par les avoirs engrangés dans le Fonds de régulation de recettes (FRR), fonds qui sera lui-même compensé par la bonne tenue des cours pétroliers durant les quatre premiers mois de l'année (un prix moyen de 111 dollars), selon les explications du ministre des Finances. Toutefois, s'il n'y a pas lieu de trop s'alarmer quant au creusement du déficit budgétaire, celui-ci étant surtout artificiel, force est en revanche de s'inquiéter des effets à long terme du recours accru à la ressource financière publique, sachant que l'économie nationale dépend étroitement du pétrole et que dans l'état actuel des choses, la soutenabilité de la dépense publique ne couvre pas plus de trois ans.