Comment le CFCM pourrait-il sortir de l'ornière ? Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, trace pour nous quelques pistes de réflexion. - Les élections pour le renouvellement du CFCM ont été maintenues, bien que beaucoup d'associations aient refusé d'y participer. Vous-même, à la Grande Mosquée de Lyon, vous êtes allé jusqu'au bout de votre boycott. Pourquoi selon vous, le ministère de l'Intérieur n'a pas voulu les repousser ? Les critères de représentativité sont et demeurent le nœud gordien de la crise que traverse aujourd'hui le CFCM. Vouloir la mesurer à l'aune du mètre carré a été compris comme une imperfection du système, mais personne ne voulait prendre la responsabilité de la remettre en cause, car aucun n'avait de réponse à lui apporter. C'est là, l'incohérence qui a paralysé l'ensemble des acteurs, ministère de l'Intérieur compris, qui n'ont pas voulu prendre leurs responsabilités. Si aujourd'hui, le ministère n'a pas joué son rôle de responsable des cultes, c'est qu'il pensait que les musulmans, eux-mêmes, allaient trouver la solution, mais le mal était si profond que rien n'y fit. Cependant, compte tenu du climat qui prévaut à l'heure actuelle en France, il ne fallait pas que l'Intérieur donne l'impression de s'immiscer dans les affaires d'un culte et être en contradiction avec les principes énoncés par la loi 1905. - On annonce au niveau national seulement 40% de mosquées participant au scrutin, et en Rhône-Alpes plus de 87% de rejet. Les associations cultuelles locales boudent donc cette élection. Pourquoi en leur sein, cette instance du CFCM n'a-t-elle pas convaincu les pratiquants de son utilité ? Dès la mise en place du CFCM, certaines associations musulmanes n'avaient pas compris son utilité. Certaines percevaient sa mise en place comme une volonté d'immixtion dans leurs affaires. D'autres y ont adhéré avec l'espoir de voir enfin le culte musulman reconnu avec la même considération que les autres cultes. Très vite, elles ont dû se rendre à l'évidence que le fonctionnement du CFCM était tout autre et que son utilité n'était pas aussi importante qu'ils croyaient. L'exemple de la région Rhône-Alpes est assez significatif, car près de 80% des lieux de culte ne participent pas à ce scrutin, montrant leur défiance à l'égard d'une institution incapable de réunir la communauté musulmane sur des projets communs ou des orientations qui répondent aux aspirations de la communauté. Aujourd'hui, les musulmans espèrent encore plus du CFCM, afin qu'il soit porteur d'un discours clair et cohérent face à la montée de l'intolérance et de l'islamophobie. - Quel est votre sentiment sur l'avenir de l'organisation de l'Islam de France que le CFCM voulait construire, selon l'idée première du ministre de gauche, Jean-Pierre Chevènement, jusqu'à sa concrétisation par Nicolas Sarkozy ? A cette idée la Mosquée de Lyon a été la première à dire oui, parce qu'elle estimait que pour être reconnus, il nous fallait être représentés. Nous nous étions engagés dans le processus. Aujourd'hui, le CFCM se trouve être en panne par le fait que ceux à qui il s'adressait ne jouaient pas le jeu de l'union, mais bien au contraire celui de la recherche de domination. Chacune des fédérations avait compris que le CFCM allait atténuer leur pouvoir et le restreindre. C'est ainsi que le CFCM n'a jamais pu réellement jouer son rôle, car ces mêmes fédérations voulaient surtout le cantonner à un rôle mineur de représentation. C'était, en fait, une structure légère qui ne devait qu'être présente aux vœux du président de la République et annoncer le début et la fin du Ramadhan. A cela, il faut rajouter l'antagonisme des nationalités. C'est dans cette vision des choses que le CFCM s'est embourbé. - Il reste de nombreux chantiers à activer pour ce qui concerne l'Islam en France. L'Etat aura-t-il encore un interlocuteur crédible pour mener à bien ces chantiers avec cette élection tronquée ? Un des chantiers urgents, c'est la réforme du CFCM, qui, si elle n'est pas menée dans les plus brefs délais, risquerait de mener le CFCM à une mort fulgurante. Des initiatives seraient sur le point d'aboutir. Des rencontres ont eu lieu au ministère de l'Intérieur entre la Grande Mosquée de Paris et le RMF pour trouver des solutions qui permettraient de réfléchir à de nouvelles pistes qui poseraient les bases d'un CFCM débarrassé des scories du passé, et qui permettraient la définition de nouveaux critères de représentativité, mais également une nouvelle gouvernance du CFCM.