Quand je vois ma petite-fille, on dirait que c'est ma fille qui est ressuscitée», avoue une vieille femme ayant perdu sa fille récemment. Si cette grand-mère a pu se consoler grâce à la présence de sa petite-fille, ce n'est pas le cas de nombreux grands-parents qui sont doublement pénalisés par une simple dispute familiale ou une erreur judiciaire. Qu'une veuve décide du jour au lendemain de priver les grands-parents de voir leurs petits-enfants, c'est un véritable crime», alerte maître Fatma-Zohra Benbrahim. «C'est une double sanction que subissent les grands-parents, Quand ils perdent leur très cher enfant, leurs sentiments se rabattent sur les petits-enfants», regrette-t-elle. De l'avis de Me Benbrahim, sur simple ordonnance de référé, le juge peut accorder la possibilité à des grands-parents de voir leurs petits-enfants. Mais un vieux couple voit sa demande de droit de visite introduite devant la juridiction d'un tribunal d'Alger refusée sans motif. Le jugement prononcé en première instance, dont El Watan possède une copie, était en faveur de la mère qui refuse tout contact entre ses trois enfants et leurs grands-parents paternels après le décès de leur père. Ce cas n'est pas unique. Des dizaines, voire des milliers de familles souffrent de cette privation. La loi algérienne reconnaît-elle le droit de visite aux grands-parents, notamment dans le cas du décès de leur fils ? «Les grands-parents ont le droit de voir leurs petits-enfants et de ne pas couper silat errahim. C'est leur droit le plus absolu», affirme Me Benbrahim. Cette avocate, qui n'a pas caché son étonnement quant à la décision du juge, explique comment le droit de visite peut être élargi aux grands-parents : «Le droit musulman permet aux grands-parents maternels et paternels de faire hériter leurs petits-enfants. Les grands-parents ont le droit d'inscrire en temps et lieu leurs petits-enfants pour hériter de leur fortune. C'est pourquoi les grands-parents ont le droit de voir leur petits-enfants et que ces derniers ont le droit de rester liés aux grands-parents et à la famille élargie. C'est au législateur de réglementer ce droit», insiste Me Benbrahim. Comment expliquer alors qu'un juge refuse un droit de visite à des grands-parents qui n'arrivent toujours pas à se remettre de la disparition de leur fils ? Me Benbrahim qualifie le jugement du tribunal de première instance de «ridicule» et de «jamais vu». «Il n'y a pas de conflit entre les parents et les grands-parents. C'est uniquement un droit de visite. Ce droit peut s'exercer par une simple ordonnance du référé», estime notre interlocutrice. Dans ce jugement, «il s'est passé quelque chose de bizarre». Pour rappel, le juge a refusé le droit de visite aux grands-parents en justifiant sa décision par le fait que la demande a été introduite collectivement, exigeant une demande individuelle. «Le juge a rejeté la demande présentée par les grands-parents en leur disant : ‘Vous n'êtes pas habilités tous les deux à avoir le droit de visite mais uniquement la grand-mère ou le grand-père'», explique la juriste. Et d'ajouter : «C'est ridicule, c'est du jamais vu. Parce que cette grand-mère est aussi la femme du grand-père. Ils ont le même foyer. Si elle demande à voir ses petits-enfants, le grand-père aussi le demande. C'est ridicule d'avoir ce raisonnement juridique.» La décision du juge et sa motivation demeurent incompréhensibles pour cette avocate, qui qualifie cette décision d'«erreur de jeunesse». «C'est du ridicule extraordinaire. Si les grands-parents sont séparés, je comprends. Mais là, ce sont des aberrations de certains magistrats qui ne sont pas aptes à juger les affaires du statut personnel vu leur jeunesse.» De l'avis de l'avocate, l'affaire introduite doit être acceptée et le droit de visite doit être restitué aux grands-parents : «Quand on parle de parents, on parle d'un homme et d'une femme, mais quand on parle de grands-parents, on a deux couples.» A cet effet, l'exigence de la demande individuelle n'a pas de sens : «On est en train d'enlever un droit que Dieu a donné aux grands-parents. On est en train de les morceler par des raisonnements juridismes et non pas juridiques», conclut Me Benbrahim.