Exception faite du festival Dimajazz et de la réouverture du CCF, y a-t-il un fait culturel à retenir dans cette année qui s'achève sinon l'avancée du phénomène de désertification qui tétanise le microcosme des arts et des lettres à Constantine. La longue nuit de sommeil s'est prolongée pour la littérature, la musique et les arts plastiques, et a fini par prendre dans ses bras le théâtre et son bâtiment. En 2005, nous avons enterré Cheikh Toumi, Aziz Djemame et Nadjia Abeer, mais ni nos planches, ni nos scènes, ni nos galeries n'ont vu naître des âmes porteuses de sève artistique et encore moins d'étoiles capables de briller dans le ciel brumeux et monotone qui domine le rocher. Bien au contraire, l'armée mise au service de la médiocrité grâce à l'argent du public s'est multipliée dans les rangs des aïssaouas, la tradition pervertie en fonds de commerce, créant la rupture avec Dar Lekhouan et tous ceux qui n'émargent pas dans les bureaux de la culture officielle. Quant au malouf, alimenté pourtant par les fonds généreux du Trésor de l'Etat, l'indifférence du public confirmée horriblement lors du festival du Ramadhan, accélère sa descente aux enfers en ce début de siècle impitoyable. Le Théâtre régional est sous perfusion et ce n'est pas la distinction du Caire qui va apporter un démenti. La production est au point mort et les comédiens le savent pour leur majorité qui quitte le TRC pour rejoindre d'autres horizons. Le cinéma continue de subir les effets du tsunami des années 1990. La commune n'a pu faire redémarrer les salles relevant de son patrimoine, celle du palais de la culture est restée fermée durant toute l'année presque, alors que celle de la maison de la culture est la seule à fonctionner grâce à la résistance d'un exploitant privé. Quant aux deux cinémathèques, Cirta va devoir boucler une décennie de portes fermées en attendant qu'En Nasr vienne au bout de sa peine et rouvre ses portes en 2006. Que dire encore du livre ou de l'art pictural et plastique, sinon que l'aiguille n'a guère dépassé le degré zéro. Le musée est malade de sa solitude et la poésie langue de bois et autres débats bidons raisonnent toujours en écho au premier étage de la maison de la culture. Dans ce néant apocalyptique, Dimajazz a brillé de mille feux en faisant sauter le record d'affluence et en faisant pour quelques jours de Constantine la capitale mondiale du jazz. Une prouesse de jeunes talents en parfait accord avec leur temps est offerte avec amour et respect au public Constantinois.La réouverture en mai dernier du CCF a été aussi salutaire pour la ville. Grâce aux produits proposés intra-muros et le programme d'animation plus ou moins fréquent et plutôt qualitatif, le CCF a permis à une partie de la population de respirer et de trouver l'espace recherché. Dimajazz et le CCF peuvent constituer désormais une référence normative dans l'action culturelle à Constantine, dans l'avenir en attendant que le jumelage avec Grenoble fournisse ses propres fruits.