Le projet de la 6e Constitution marocaine, qui sera soumis le 1er juillet prochain au référendum populaire, contient en matière de politique étrangère un article qui concerne l'Algérie en sa qualité de pays voisin du royaume et membre de l'Union du Maghreb arabe (UMA). L'article 42 de ce projet consacre, en effet, la persistance du régime royal dans sa politique expansionniste dans la région, puisqu'il reconduit expressément ce qui est consigné dans la Constitution de 1996 : «Le roi est le garant de l'indépendance du royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques.» En d'autres termes, la monarchie demeure attachée à la logique médiévale de la (l'allégeance), puisqu'elle étouffe dans ses frontières internationalement reconnues. Dès lors, se pose la question de savoir comment peut-elle concilier cet «étouffement» avec l'engagement qualifié dans le préambule d'«option stratégique», à œuvrer à la construction de l'Union maghrébine composée d'Etats aux frontières conventionnelles connues et reconnues dans le monde ? Cette attitude s'oppose, est-il besoin de le rappeler, à la légalité internationale qui ne connaît d'exemple dans le monde qu'Israël comme entité sans frontière fixe et définie en attendant qu'il se dote d'une base territoriale allant du Nil à l'Euphrate ; elle est aussi en contradiction avec les objectifs à la fois de la Déclaration de Marrakech : «Faire du Maghreb une zone de paix et de sécurité», et du traité instituant l'UMA dont l'article 2 stipule que «l'Union vise à œuvrer progressivement à réaliser la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux». Par quel miracle peut-on, dans une telle situation, construire un espace politique et économique intégré, quand un des membres de cette Union nourrit toujours le complexe d‘expansionnisme et persiste à faire de son occupation militaire du Sahara occidental une option irréversible sans tenir compte de l'avis de ses habitants ? Il est clair qu'on ne saurait être rassuré par un voisin qui rêve encore de ressusciter «le Grand Maroc» qui s'étendrait des rives du fleuve du Sénégal jusqu'en Andalousie, rayant de la carte, au passage, des Etats souverains et indépendants et menaçant d'annexion des territoires appartenant à d'autres Etats. Maintenir dans la Constitution, l'expression «frontières authentiques», sans en préciser l'espace, est de nature à exacerber la crise de confiance dans la région en confirmant les doutes quant à la sincérité des intentions du régime marocain au sein de l'UMA. Il ajoute ainsi un obstacle supplémentaire sur la voie de l'édification de cet ensemble et prive ses peuples d'une autre chance de rencontre et de coopération pour faire face aux défis communs du développement et de construction d'Etats modernes respectueux des libertés et des droits de l'homme. Par ailleurs, il est regrettable que des pays occidentaux, pourtant investis d'une mission de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, aient cautionné cette dérive marocaine sans mettre en garde ses auteurs quant aux risques qu'elle renferme pour la paix et la sécurité dans la région. A moins qu'une telle attitude ne soit dictée par le souci de torpiller toute démarche unitaire sérieuse pour empêcher l'UMA d'avoir un poids économique et politique capable d'en faire un partenaire efficace dans ses relations avec les autres regroupements régionaux. Enfin, le régime marocain gagnerait à retrouver la voie de la sagesse en rendant justice au peuple sahraoui pour se concentrer sur l'avenir des enclaves de Ceuta et Melilla, occupées par l'Espagne, et dont la libération demeure une revendication légitime permanente des peuples maghrébins.
Mohamed Saïd. Secrétaire général du Parti de la liberté et de la justice (PLJ)