Alors qu'un projet de loi prévoyant des dispositions dissuasives contre la mendicité est en cours d'élaboration depuis l'année dernière, les associations relèvent que les mineurs sont de plus en plus nombreux à mendier. La Journée mondiale de l'enfant africain, célébrée dernièrement, est l'occasion de rappler que les textes les protégeant existent, mais ils ne sont pas appliqués. «Dans les cimetières algériens, on trouve plus d'enfants mendiants que de morts !» Près de la tombe de son mari, qu'elle est venue visiter dans ce cimetière algérois, une veuve se désole. Comme à l'accoutumée, elle doit faire face à une armada de bambins cramponnés à ses jupes pour lui arracher quelques sous. Dans les marchés, devant les hôpitaux, les restaurants, des grandes artères aux petites rues enclavées… le phénomène est endémique. Si les articles 195 et 196 du code pénal algérien punissent d'emprisonnement les adultes qui se livrent à la mendicité, les enfants, même exclus de cette sanction, doivent bénéficier de la protection que leur confèrent les différentes conventions relatives aux droits de l'enfant, ratifiées par l'Etat algérien. En réponse à cette situation urgente, Saïd Barkat, ancien ministre de la Solidarité nationale et de la Famille, a annoncé qu'un projet de loi prévoyant des dispositions dissuasives contre la mendicité en Algérie était en cours d'élaboration depuis 2010. Ce texte recommande de lourdes sanctions allant jusqu'à des peines de prison pour les parents exploitant leurs enfants pour mendier. Pour Abderrahmane Arar, président du Réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant (Nada), il existe trois types de mendicité d'enfants en Algérie. Le premier concerne les enfants exploités par leurs parents biologiques qui les exposent à tous les dangers, jouant ainsi sur les sentiments des passants. Enfants «loués» Le deuxième type de concerne les enfants «loués» par des mendiants et des mendiantes, moyennant de l'argent. Parmi ces enfants loués de 400 à 700 DA la journée, certains d'entre eux sont issus de la Direction de l'action sociale (DAS). «Certains enfants ont été adoptés, dans le cadre de la kafala, pour “exercer cette activité“. D'où la nécesité de mettre en place un mécanisme de suivi des enfants adoptés (kafala)», préconise Abderrahmane Arar. Quant à la troisième catégorie de ces jeunes mendiants, elle touche les enfants dont les parents ont une bonne situation sociale, voire riches. Ces enfants s'adonnent à cette pratique par vice ou pour provoquer l'intérêt des parents. «Le réseau Nada a déjà traité ce genre de cas. Certains enfants font croire à leurs parents qu'ils passent leur journée à l'école, alors qu'ils font l'école buissonnière pour remplir leurs poches en apitoyant les âmes charitables», relate Abderrahmane Arar. C'est ce que confirme Kheira Messaoudène, commissaire divisionnaire et chef du bureau de la protection contre la délinquance juvénile et la violence contre la femme. «Parfois nous avons affaire à des gosses de riches qui n'hésitent pas à récidiver. Dans ce genre de cas, lorsque les parents sont identifiés, ils sont systématiquement informés et c'est à eux de trouver une solution pour remédier à ce drame. Rumeurs Dans le cas où les parents ne sont pas identifiés ou il s'avère que l'enfant est sans famille ni domicile fixe, celui-ci est placé dans un centre d'accueil», explique la commissaire. Lorsque les enfants mendiants se font interpeller par la police, ils sont présentés devant le juge des mineurs. L'enfant est ensuite soit retiré au parent qui l'accompagne et placé dans un centre d'accueil, soit remis au parent, en particulier à la mère. Quant à l'adulte, il subit les sanctions prévues par la loi. «Placer les enfants dans des centres d'accueil n'est pas une mince affaire, car l'Algérie manque de structures d'accueil. La majorité de ces centres accepte les mères, mais sans leurs enfants», déplore Kheira Messaoudène, en précisant ne pas disposer de chiffres concernant les enfants mendiants. Quant à la problématique cruciale des réseaux de mendicité, la commissaire nie l'existence de ce phénomène, liant ces «rumeurs» à «la prolifération des mendiants, en particulier des enfants, ce qui n'est pas propre à l'Algérie», justifie-t-elle. Pour lutter contre le phénomène de la mendicité des enfants, le bureau de la protection contre la délinquance juvénile a mis en place des patrouilles au niveau de chaque wilaya qui réalisent régulièrement des campagnes de ramassage, en particulier pendant le mois de Ramadhan. Et les associations les informent. Ainsi, Abderrahmane Arar précise que certains mendiants dans la capitale ont été identifiés par le réseau Nada qui les a signalés aux services de police, à l'instar d'un quadragénaire qui s'affichait dans le centre d'Alger, la matinée avec un enfant et en fin de journée… avec un autre.