Alors que la température ambiante est à son apogée et qu'il ne fait pas bon mettre un chat dehors, des dizaines de voitures particulières, portant des plaques minéralogiques des wilayas du nord du pays, envahissent, en cette deuxième quinzaine du mois de juillet, les rues de Biskra. Qui sont ces touristes défiant les rigueurs de l'été saharien ? Seraient-ce des participants à une convention professionnelle, à un meeting politique ou à un séminaire culturel ? Rien de tout cela. Personne ne penserait à organiser de telles manifestations dans une ville du Sud et en plein été. Renseignements pris, ce sont des candidats à la sablothérapie qui rendent visite à la reine des Ziban en cette période de canicule extrême. Ils affluent des villes septentrionales pour se faire enterrer dans le sable chaud. Tous d'un certain âge, ils souffrent de différents maux ; rhumatismes, lombalgie, tendinite, douleurs articulaires, musculaires et autres courbatures chroniques et ils sont persuadés que cette pratique, assimilée à une médecine parallèle, a de nombreuses vertus. Ces curistes, fidèles adeptes de l'enfouissement dans le sable chauffé à blanc, logent chez des amis ou dans les hôtels de moyenne gamme. Pour arriver à leurs fins, ils suivent un parcours bien rodé mais confidentiel car la sablothérapie est interdite depuis plus de 10 ans à Biskra. Une interdiction promulguée par la wilaya après que plusieurs personnes en soient mortes en s'y adonnant. En dépit de ce véritable drame qui avait défrayé la chronique locale, ces personnes ne sont nullement dissuadées pour s'ensevelir dans le sable brûlant de 5 à 10 minutes, plusieurs fois de suite durant la journée, au moment où la température frise les 50°C. «Médecine douce, la chaleur du sable peut avoir des effets positifs sur le métabolisme, mais elle a aussi des conséquences qui peuvent être très graves. Faute de pouvoir convaincre ces personnes de ne pas avoir recours à cette méthode non reconnue par le corps médical moderne, il serait plus logique de mettre en place une structure de prise en charge et de surveillance médicale durant son déroulement», dira Dr Saâdeddine Othmani, qui s'est fait une belle réputation auprès des patients âgés. Rappelons que suite au décès de plusieurs de ces curistes en 2000 et 2001, les pouvoirs publics avaient, sur le coup de l'émotion, annoncé qu'un centre de sablothérapie serait réalisé dans la commune d'El Hadjeb. Outre le fait de sécuriser cette pratique et de lui donner un cachet régulier, celui-ci avait été présenté comme une locomotive de développement économique. Les responsables de l'époque avaient montré leur entière adhésion à ce genre de réalisation. Un bureau d'étude avait même soumissionné. Mais, dix ans sont passés et force est de constater que le projet est loin d'être concrétisé, car il n'aurait pas obtenu l'aval du ministère de la Santé. En attendant des jours meilleurs, les adeptes de cette pratique se déroulant dans la clandestinité, bien entendu sans aucune surveillance médicale et dans des conditions déplorables, continuent de mettre leur vie en danger, pour que les douleurs qui les minent s'atténuent. Abrités sous une hutte rudimentaire de troncs et de palmes sèches, dissimulés derrière les dunes de sable doré de Aïn Deba, de Aïn Bennaoui ou d'El Hadjeb, ils passent, à leurs risques et périls, des heures dans ces endroits difficiles d'accès. Ils sont assistés par un fils de fellah qui encadre toute l'opération. Ce dernier creuse les fosses et met à leur disposition de l'eau fraîche et des serviettes dans lesquelles ces patients s'emmitouflent après avoir été déterrés. «C'est pour garder la chaleur et provoquer une abondante sudation permettant au corps d'exulter ses maux», croit savoir ce docteur improvisé, à qui chacun des curistes du groupe, qu'il prend en charge, lui remettra 200 DA pour les services rendus.